Le risque de glissements de terrain dans le Rift du Kivu est lié à la déforestation et la croissance démographique

Une nouvelle étude révèle comment la déforestation et la croissance démographique ont grandement influencé le risque de glissements de terrain dans le Rift du Kivu. C'est ce que des chercheurs de la KU Leuven, du Musée royal de l'Afrique centrale et de l'Université libre de Bruxelles ont pu déterminer en analysant six décennies de couverture forestière et de tendances démographiques dans la région. L'étude est publiée dans Nature Sustainability.

Landslide in eastern DRC

Glissements de terrain près d'une mine d'or à Luhwinja dans l'est du Congo. Le village des mineurs se trouve au pied du glissement principal. © Olivier Dewitte

 

Les changements dans l'environnement se reflètent dans le risque de glissements de terrain

Les glissements de terrain se produisent dans les régions montagneuses du monde entier et sont responsables de milliers de morts chaque année. En raison de la forte croissance démographique de ces dernières décennies, de la demande croissante de vivres et du développement d’activités économiques, de plus en plus de personnes se sont installées dans des zones escarpées ; zones qui sont naturellement davantage sujettes aux glissements de terrain. Ces mouvements de population se font souvent au détriment des écosystèmes naturels, et sont fréquemment associés à la déforestation. . Celle-ci est connue pour déstabiliser le sol à mesure que les racines des arbres se décomposent, ce qui augmente encore les chances d’apparition de glissements de terrain.

Les scientifiques savent depuis longtemps que la dynamique des populations et les changements d’utilisation du sol qui y sont associés, comme la déforestation, influencent le risque de glissements de terrain dont les conséquences peuvent avoir des effets dommageables importants. Toutefois, cela n’avait pas encore été démontré avec des preuves tangibles. Il est difficile d'étudier ces interactions entre l'homme et la nature, en particulier dans les pays du Sud où les données historiques sur les glissements de terrain et les forêts  sont rares.

 

L'héritage historique de la déforestation et de la dynamique sociétale doit être pris en compte afin de comprendre le risque auquel la population est exposée aujourd'hui

Perspective historique sur le Rift du Kivu

Dans une nouvelle étude, des chercheurs de la KU Leuven, du Musée royal de l'Afrique centrale (MRAC) et de l'Université libre de Bruxelles (ULB) mettent en lumière ces interactions entre l'homme, l'environnement et les glissements de terrain dans le Rift du Kivu en Afrique à proximité de l’équateur. Cette région densément peuplée du Burundi, du Rwanda et de l'est de la RD Congo est très exposée aux glissements de terrain, qui sont généralement déclenchés par de fortes pluies.

« Nous intégrons la population, la déforestation et les glissements de terrain dans un seul modèle : nous évaluons les changements dans la couverture forestière et les tendances démographiques, ainsi que leur impact sur le risque de glissements de terrain aux conséquences potentiellement meurtrières. Et ce, sur pas moins de six décennies », explique le géographe Arthur Depicker (KU Leuven, MRAC).

Les chercheurs se sont appuyés sur plus de 2000 photographies aériennes historiques datant de 1958, conservées au MRAC. Cette collection a permis d'étudier l’occupation du sol et la déforestation (ou l’afforestation) depuis la fin des années 1950 jusqu'en 2016 – une période beaucoup plus longue que ne le permettaient les seules images satellites.

 

L'interaction entre la couverture forestière, la population et les glissements de terrain en point de mire

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Représentation schématique des principaux processus influençant le risque de glissements de terrain meurtriers dans le Rift du Kivu. © Arthur Depicker

« Nous avons pu montrer, grâce à notre reconstruction, que la déforestation dans cette région est souvent liée à une agriculture paysanne composée de petites exploitations familiales, mais aussi, de manière indirecte, aux activités minières dans un sous-sol riche en ressources minérales.  La déforestation a augmenté de manière importante l’apparition de glissements de terrain. La littérature scientifique suggère que l'impact de ces changements drastiques de la couverture forestière est bien plus important que celui du changement climatique », déclare Arthur Depicker.

Les glissements de terrain présentent le plus grand risque pour la population lorsqu'ils se produisent dans des zones densément peuplées. « Les victimes sont les plus nombreuses là où les gens sont contraints de vivre dans des zones escarpées et montagneuses, par exemple pour la production vivrière, mais aussi en raison de conflits ou d'activités économiques telles que l'exploitation minière artisanale. C'est précisément dans ces endroits escarpés que les glissements de terrain sont le plus susceptibles de se produire, surtout en cas de déforestation », selon Arthur Depicker.

« Enfin, nos recherches montrent que le risque de glissements de terrain n'est pas statique, mais évolue dans le temps. L'héritage historique de la déforestation et de la dynamique sociétale doit être pris en compte afin de comprendre le risque auquel la population est exposée aujourd'hui », explique Arthur Depicker.

 

Cette recherche a été menée dans le cadre du projet PAStECA, un projet BRAIN-be financé par la Politique scientifique fédérale (BELSPO), et coordonné par le Musée royal de l'Afrique centrale.

 

 

 

En savoir plus

Cover Nature SustainabilityArticle scientifique: Arthur Depicker, Liesbet Jacobs, Nicholus Mboga, Benoît Smets, Anton Van Rompaey, Moritz Lennert, Eléonore Wolff, François Kervyn, Caroline Michellier, Olivier Dewitte, and Gerard Govers. Historical dynamics of landslide risk from population and forest-cover changes in the Kivu Rift. Nature Sustainability. doi: 10.1038/s41893-021-00757-9. https://www.nature.com/articles/s41893-021-00757-9