Les métaux critiques dans la région des Grands Lacs en Afrique centrale

Les « métaux critiques » tels que le lithium et le tantale sont des matières premières utilisées dans les smartphones et les voitures électriques. Ces métaux sont fortement convoités car ils sont indispensables aux technologies modernes et à la transition vers les énergies vertes. La région des Grands Lacs en Afrique centrale est géologiquement riche en minerais extraits pour ces matières premières. Les géologues du Musée Royal de l’Afrique Centrale étudient la formation de ces minerais afin de contribuer à une exploration et une exploitation durables et équitables.

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Mine à ciel ouvert abandonnée à Ntunga, Rwanda, exploitée jusqu'à récemment pour l'étain et le tantale, dans des pegmatites altérées. L'exploitation et l'exploration se poursuivent actuellement dans des tunnels souterrains. © A. Borst

 

La région des Grands Lacs abrite de nombreux gisements de minerais riches en métaux utilisés dans les technologies modernes. Par exemple, la région fournit environ la moitié du tantale mondial, qui est utilisé dans les mini-condensateurs des portables et des smartphones. Le lithium et les éléments du groupe des terres rares (Rare Earth Elements, REE), utilisés dans les aimants, les batteries et les moteurs, sont également des exemples de métaux critiques essentiels aux technologies vertes. Leur demande connaît une croissance exponentielle.

Il est extrêmement important que l'extraction de ces matières premières essentielles et la redistribution des revenus qu'elles génèrent se fassent de manière équitable, sûre, durable et sans conflit.

Quels sont les processus géologiques qui conduisent à la formation de ces gisements ? Comment les différentes formes de minéralisation et les degrés d'altération affectent-ils les méthodes d'extraction potentielles ? Et quel est l'impact sociétal et environnemental de l'activité minière dans cette région ? Au travers de ces sujets de recherche, les géologues du Musée Royal de l’Afrique Centrale veulent soutenir l'exploration et l'exploitation durables et équitables de ces ressources. Leurs travaux s’inscrivent dans le cadre de partenariats à long terme dans le domaine de la géologie régionale. Ils produisent notamment des cartes géologiques et contribuent au renforcement des capacités des chercheurs, des universités et des services géologiques africains.
Des projets de recherche récents étudient l'origine de deux systèmes de minéralisation différents qui sont à l’origine des gisements de minerais en Afrique centrale : les gisements de lithium - niobium - tantale - étain - tungstène (Li-Nb-Ta-Sn-W) associés aux granites, aux pegmatites et aux filons de quartz ; et les gisements de terres rares - phosphore - niobium (REE-P-Nb) associés aux magmas alcalins et hyperalcalins (notamment les carbonatites).

 

Les mines d'étain et de tantale au Rwanda

En février 2022, la géologue Anouk Borst a mené des recherches sur les pegmatites et les filons de quartz dans des mines d'étain et de tantale au Rwanda, avec les doctorants Jolan Acke et Laura van der Does. Les deux lithologies sont souvent riches en minerais d'étain et de tantale, minerais rares et économiquement intéressants. Mais les mines sont également prospectées pour leur potentiel considérable en lithium.

La pegmatite est une roche magmatique grenue, formée des derniers reliquats de magma et de fluides qui subsistent après que la majeure partie du magma se soit cristallisée en remontant dans la croûte terrestre. « Ces « reliquats » contiennent souvent des concentrations de métaux rares beaucoup plus élevées que les autres roches. En raison de la forte altération récente dans la région des Grands Lacs, la roche est suffisamment tendre pour être exploitée et transportée sans grandes machines. Nos recherches consistent à identifier les conditions, les processus et les ingrédients (physico-chimiques) idéaux qui conduisent à la formation de gisements de minerais critiques, afin qu'ils puissent être localisés et exploités plus facilement et plus durablement », explique Anouk Borst.

Pendant des décennies, la région a été exploitée par de nombreux mineurs artisanaux. Les filons de quartz et les pegmatites contenant de l'étain (dans le minéral cassitérite) et du tantale (dans le groupe minéral columbite-tantalite, également connu sous le nom de coltan) sont excavées par des puits verticaux et des tunnels horizontaux. Les minéraux économiques sont ensuite séparés à la main ou sous eau, en fonction de leur densité spécifique. Le réseau de tunnels actuels dans la mine de Musha (Rwanda), par exemple, atteint une profondeur d'environ 50 mètres.

De nouvelles carottes de forage, fournies par la société minière avec laquelle les géologues belges ont travaillé pendant leurs travaux sur le terrain, montrent que les filons de quartz et les pegmatites minéralisées s'enfoncent encore plus profondément dans le sol. À une profondeur d'environ 150 mètres, les carottes de forage contenaient également des pegmatites non altérées, riches en spodumène, un minerai de lithium. Ces pegmatites ont été forées jusqu'à une profondeur de 400 mètres. Le but de cette mission était de prélever des échantillons pour des études minéralogiques et géochimiques, afin d’avoir une meilleure vue sur la distribution régionale et locale, puis microscopique, des métaux.

 

Durable et équitable

La transition vers l'énergie verte et une économie à faible émission de carbone repose en grande partie sur l'exploitation des ressources minérales. « Mais il est extrêmement important que l'extraction de ces matières premières essentielles et la redistribution des revenus qu'elles génèrent se fassent de manière équitable, sûre, durable et sans conflit. L'exploitation minière doit apporter des avantages économiques et sociaux aux pays où les métaux critiques sont extraits. L'empreinte carbone de l'importation de matières premières extraites ailleurs doit également être compensée, par l’utilisateur ultime », explique Anouk Borst.