L’AfricaMuseum soutient la recommandation pour le rapatriement inconditionnel des restes humains provenant des collections coloniales

L’AfricaMuseum était l’un des sept partenaires du projet HOME, un projet de recherche sur les restes humains présents dans les collections belges. L’objectif de ce projet était d'étudier de manière approfondie le contexte historique, scientifique et éthique de ces restes humains et d'informer et d’interpeller les décideurs politiques et les interlocuteurs en RD Congo et en Belgique sur leurs possibles destinations finales. Cet article présente les contributions de l'AfricaMuseum et les conclusions tirées dans le cadre du projet HOME.

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Le sens des mots

Si nous utilisons ici le terme « restes humains », terme utilisé dans le texte du projet, un débat avec différents interlocuteurs en RD Congo et en Belgique est nécessaire pour arriver à une formulation appropriée.

Un communiqué de presse envoyé le 8 novembre 2022 par des activistes de la société civile belge et congolaise fait référence aux « dépouilles des ancêtres ».

Le professeur Donatien Dibwe dia Mwembu, quant à lui, suggère d'utiliser le terme « dépouilles des anciens », afin d’éviter les questions de parenté culturelle et biologique.
En RDC, différents interlocuteurs ont parlé d'« ancêtres », de « restes ancestraux » et de « restes humains ».

Recherches approfondies

Les chercheurs de l’AfricaMuseum ont étudié les archives de la collection historique de l'ancien département d'anthropologie anatomique, également connu sous l'acronyme « collection AA » de l'anthropologie physique à l'AfricaMuseum.

Plus de 98% des restes humains de la collection AA proviennent de la RD Congo.

L’histoire violente des crânes du chef Lusinga Iwa Ng'ombe, du prince Kapampa et du chef Maribou  avait déjà fait l’objet de plusieurs études et publications avant le début du projet HOME.

Mais les chercheurs du projet ont également retrouvé dans la collection AA les noms « Bene », « Amakeo » et « Apayembe » de l'Ituri et les chefs « Bikitiki » et « Memili » de l'Uele.  La collaboration avec les chercheurs congolais et la prise en compte de la tradition orale permettra de vérifier si ces noms ont été notés de manière complète et correcte.

En 1964, le département d’anthropologie physique du musée a été fermé. Les crânes et autres restes humains qui y étaient conservés ont alors été transférés à l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique, où ils se trouvent encore aujourd’hui. Lors du projet HOME il s’est avéré que pas tous les restes humains de la collection AA n'avaient été transférés à l’Institut des Sciences naturelles

Enfin, l’étude du registre de la collection AA a montré comment ces « collections » de restes humains étaient liées au racisme doctrinaire en Belgique. Maarten Couttenier, promoteur du projet HOME, a publié plusieurs études sur ce sujet.

La « collection de Van de Ginste » : étude de cas

Peu après la deuxième Guerre mondiale, Fedinand Van de Ginste, un agent territorial colonial, a profané plus de 200 tombes, récoltant ainsi 187 crânes de la communauté Suku à Feshi (dans la province du Kwango, à 700 km environ de Kinshasa) à des fins de recherche anthropométrique. Cette sous-collection représente aujourd’hui plus d’un tiers de la collection AA.
Dans le cadre de HOME, la chercheuse Lies Busselen et l’anthropologue Placide Mumbembele se sont rendus à Feshi. Ils y ont rencontré des personnes qui, grâce à la tradition orale, ont permis d'aborder cette histoire du point de vue congolais. Un article sera dédié à ce cas dans la publication Remaking collections, à paraître en 2023.

Informer et collaborer

En 2021, les chercheurs de l’AfricaMuseum ont eu un premier échange avec des représentants des organisations de la diaspora congolaise. L’objectif était d’informer un maximum de personnes, d’établir des collaborations en RD Congo, mais aussi de permettre un dialogue entre interlocuteurs congolais et belges. 

Lies Busselen a fourni une explication contextuelle de l'inventaire, de plusieurs cas de la collection AA avec un accent particulier sur le cas de Feshi.

Suzanne Monkasa de la Plateforme des Femmes de la Diaspora Congolaise de Belgique a partagé ses recommandations avec les partenaires institutionnels du projet HOME.

Le Collectif Faire-part et le centre d’art Waza ont mené des discussions approfondies à Kinshasa et à Lubumbashi avec près de 50 descendants, représentants, artistes, conservateurs, historiens, anthropologues, experts des musées et du patrimoine, politiciens locaux et nationaux, etc. sur les restes humains congolais présents dans les collections coloniales.

L'AfricaMuseum a également collaboré avec l'Institut des Musées Nationaux du Congo (IMNC) dans le cadre d'un workshop national « Restitution des restes humains. Pour une réhumanisation des collections » organisé le 30 mars 2022 à Kinshasa. Plus de 30 éminents interlocuteurs congolais y ont participé afin de discuter du rapatriement des restes humains dans le contexte congolais. 

En novembre 2022, les partenaires Waza et le Collectif Faire-part ont été invités en Belgique. Ils ont soutenu deux activités commémoratives les 1er et 11 novembre, avec Georgine Dibua de l’asbl Bakushinta et Dido Lakama de Change asbl. Le 5 novembre, une projection de discussions menées en RD Congo par Waza et le Collectif Faire-part sur le rapatriement de restes humains a été organisée en collaboration avec l'ONG belge Coopération Éducation et Culture (CEC). La première s’est terminé avec un débat animé entre le public et les réalisateurs de Waza et du Collectif Faire-part. 

Qu'avons-nous appris des recherches et des collaborations menées dans le cadre de HOME ?

Les restes humains conservés dans des collections coloniales touchent au cœur de la dignité humaine. En tant qu'Établissement scientifique fédéral, l'AfricaMuseum soutient la recommandation pour le rapatriement inconditionnel des restes humains provenant de collections coloniales, au terme de concertations bilatérales.

Le modèle à suivre implique collaboration et dialogue, sur un pied d'égalité, entre interlocuteurs en Belgique et en RD Congo, des décideurs politiques aux experts, des universitaires aux communautés d'origine. L’AfricaMuseum travaille sur un pied d'égalité avec l'Institut des Musées nationaux du Congo et les universités en RD Congo.

Le projet HOME témoigne de la nécessité de mener des recherches de provenance historiques et anthropologiques tant en RD Congo qu'en Belgique, pour traiter notre passé colonial.


Financé par la Politique scientifique fédérale (BELSPO) pour la période 2020-2022, le projet HOME était mené par l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique, en collaboration avec l’Institut national de Criminalistique et de Criminologie, le Musée royal d'Art et d'Histoire, l’Université libre de Bruxelles, l’Université de Saint-Louis, l’Université de Montréal et l’AfricaMuseum.