Statue songye

09.11.2021

  • Numéro d’inventaire EO.1980.2.492
  • Collection Jeanne Walschot (1896-1977), antiquaire, Bruxelles, avant 1930
  • Importante expographie
  • Léguée au musée par Walschot via Huguette Van Geluwe (conservatrice au musée) en 1977 (inscrite en 1980)

Une origine lacunaire

Cette pièce est entrée dans les collections du musée en 1980 suite au legs de la marchande et collectionneuse bruxelloise Jeanne Walschot, décédée en 1977. La durée de trois ans entre le décès de la collectionneuse et l’inscription à l’inventaire du musée s’explique entre autres par l’importance numérique de cette collection qui comportait plus de 3000 objets ainsi que des archives.

Cette collection avait été constituée par Walschot en Belgique tout au long du XXe siècle, dès la période de la Première Guerre mondiale et jusqu’au début des années 1970. La marchande tenait une boutique dans le centre de Bruxelles qui était devenue un lieu connu (y compris internationalement) du marché d’objets congolais ; elle achetait aussi via de petites annonces d’anciens coloniaux et démarchait activement dans ce but, les lieux qu’ils fréquentaient.

Comme pour d’autres objets de collections privées qui sont aujourd’hui conservés au musée, nous n’avons malheureusement aucune information sur le contexte de collecte de cette pièce au Congo.

Limites d’une approche comparative

Une identification de ce type d’objets (sans données d’origine) peut néanmoins être proposée grâce à des études comparatives de style, d’iconographie, de matériaux, etc. effectuées sur des pièces similaires et mieux documentées. Pour cette statue, le style de sculpture des Tempa (un groupe culturel régional songye) a pu être corroboré par la similarité avec plusieurs statues mankishi (objets rituels) acquises au cours d’une mission de l’anthropologue hongrois Emil Torday au Congo en 1907.

Actuellement conservées au British Museum, deux d’entre elles (voir image ci-dessous) furent acquises dans le village d’Okitulonga sur la rivière Sankuru, dans la région des Tempa et apparentés (Baeke 2004 : 26). Mais il serait pour autant hasardeux de déduire la provenance de la statue du musée de Tervuren sur base de ces seules indications sociogéographiques obtenues par comparaison.

sculpture tempa
Sculpture tempa acquise dans la région de Sankuru. Acheté par le British Museum en 1908 à Norman Heywood Hardy, qui accompagnait Emil Torday lors de son expédition au Kasaï, Congo, en 1907. British Museum, inv. Af1908,0622.164 © The Trustees of the British Museum.

 

Par ailleurs, il est connu – et les archives de Torday l’illustrent particulièrement (voir ill. ci-dessous) – que les statues songye ont parfois été déplacées sur de longues distances pour se trouver dans d’autres régions et devenir la propriété d’autres groupes culturels dont les usages rituels diffèrent.

 

Le roi kuba Kot aPe à côté de quatre scultpures songye
Emil Torday (1875-1931), Le roi kuba Kot aPe et quatre sculptures songye qu’il avait en sa possession à Nsheng, République démocratique du Congo. Inv. Af,Ca144.72 © The Trustees of the British Museum

 

Un historique en image

Bien qu’il soit rare de retrouver en dehors du musée des archives avec lesquelles recouper l’histoire des objets des collections et d’éclairer ainsi leur origine, il est parfois possible de retracer leur historique après leur arrivée en Europe.

Du fait de l’intense programmation de propagande culturelle autour du Congo dans les années 1930, de l’essor de la photographie et de la plus large reconnaissance de l’art africain en tant qu’Art dans ces mêmes années, de nombreuses images attestent la circulation ancienne de cette sculpture au sein de plusieurs manifestations belges, à la croisée de différents réseaux : coloniaux, scientifiques et culturels.

 

Cette photographie a certainement été prise par les services de communication et de propagande du Ministère des Colonies (ou mise à leur disposition) afin d’illustrer la riche actualité autour du Congo en 1930, notamment l’exposition Art Nègre au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles (voir ci-dessous).

 

Art Nègre, Palais des Beaux-Arts, Bruxelles, 1930 :

extrait de journal
Het Laatste Nieuws, extrait s.d., circa novembre/décembre 1930

 

1000 objets nègres de la collection Walschot, Cercle Artistique et Littéraire, Théâtre royal du Parc, Bruxelles, 1933-34 :

ensemble de sculptures
Germaine Van Parys, Germaine Image ©

 

Kongo-Kunst, conçue par Frans M. Olbrechts et ouverte à Anvers en 1937 :

ensemble de sculptures
Planche 17 du catalogue de l’exposition Plastiek van Kongo en 1937 (Olbrechts, 1946 – scan et retouche par L. Van de Velde) : vue de la présentation des statues songye ; la statue de Walschot apparait en bas à droite.

 

Cette sculpture a également été photographiée chez la collectionneuse dans une présentation moins classique.

 

chez la collectionneuse (année ?) :

photo artistique de la statue
2016.16.5 - MRAC Tervuren

Sur ces deux dernières photographies nous voyons que les éléments organiques (sans doute des poils animaux) qui se trouvaient fichés de chaque côté de la tête de la sculpture ont disparu ; un retrait probablement « esthétique » du fait de l’altération fréquemment subie dans la durée par les éléments fragiles des statues de pouvoir congolaises.

Un long historique photographique tel que celui-ci reste atypique ; il constitue tant le processus par lequel est fabriqué la notoriété d’une œuvre, que le résultat de cette notoriété. Avec la poursuite de la numérisation des périodiques belges et internationaux, des ouvrages anciens et des fonds d’archives, il devient parfois plus évident de retracer la circulation de certains objets des collections du musée… et peut-être, à terme, de remonter le fil de leur provenance.

 

Une collection importante du musée

Avec près de 3000 objets, l’ancienne collection de la marchande et collectionneuse Jeanne Walschot représente environ 2 % des pièces ethnographiques du musée.

C’est pourquoi dans la Zone musée, espace d’introduction qui porte notamment sur les différents modes d’acquisition du musée, la vitrine Commerce de l’art prend le cas de la collection Walschot comme exemple.

Une trentaine d’objets de cette ancienne collection privée sont actuellement exposés dans les salles permanentes du musée.

 

 


Texte élaboré à partir d’une proposition d’Agnès Lacaille sur base de recherches spécifiques et d’une synthèse issue des données ci-dessous.

SOURCES

Entretiens : Edinamaria Foldessi, conservatrice ‘Afrique’, Musée de Budapest ; Hein Vanhee (AfricaMuseum)

Archives :

  • Section Ethnographie : Dossier d’acquisition « Walschot » & Fonds Walschot
  • Germaine Images

Ouvrages :

  • Baeke Viviane, Le sensible et la Force, Tervuren, MRAC, 2004, 88 p.
  • Hilton-Simpson, M. W. (Melville William), Land and peoples of the Kasai; being a narrative of a two years' journey among the cannibals of the equatorial forest and other savage tribes of the south-western Congo, London, Constable, 1911, p. 43
  • Olbrechts F.M., Plastiek van Kongo, Antwerp - Brussels - Ghent - Leuven, N. V. Standaard-Boekhandel, 1946, 165 p. 
  • Petridis Constantijn, Frans M. Olbrechts (1899-1958). Op zoek naar kunst in Afrika, Antwerp, Etnografisch Museum, 2000, 327 p.
  • Torday Emil, & Joyce M.A., Notes ethnographiques sur des populations habitant les bassins du Kasaï et du Kwango oriental, Annales du musée du Congo belge, tome II, fasc. 2, pp. 26-27, fig. 11 d et 12c.

 

Les informations qui se trouvent dans cet article sont essentiellement basées sur les ressources disponibles au musée (archives, publications, etc.). La biographie de l’objet peut donc toujours être enrichie. Avez-vous des remarques, des informations ou des témoignages à partager sur cet objet ou sur ce type d’objets ? N’hésitez pas à nous contacter : provenance@africamuseum.be.

 

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