Masque Likishi lya Cizaluke

08.04.2022

  • Provenance : Chingalala, Zambezi, Zambezi district, Northwestern Province, Zambie
  • Créé et vendu par Kenneth K. Lizambo (formation culturelle Lenga Navo)
  • Acquis le 26/10/1997 pour le musée par Boris Wastiau pour la somme de 120.000 kwacha (3409 francs belges, soit environ 115 € de nos jours)
  • Enregistré dans les collection en 1998 sous le n° d’inv. EO.1998.14.24-1&2
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Une mission récente du musée

Ce masque avec costume a été acheté en octobre 1997 par Boris Wastiau, alors conservateur au musée, à la formation culturelle Lenga Navo, près de la petite ville de Zambezi, au Nord-Ouest de la Zambie.

Cette acquisition fait suite aux recherches doctorales du chercheur belge, qui a soutenu sa thèse la même année. La recherche anthropologique s’était basée sur un travail de terrain de 18 mois, entre 1994 et 1995.

Cette expérience avait permis à Wastiau d’acquérir une connaissance approfondie du contexte culturel et en particulier des rites initiatiques appelés mukanda, au sein de laquelle ce type de masque était utilisé.

Si aucune collecte ne fut réalisée durant les recherches doctorales, les différentes missions effectuées ensuite par le chercheur pour le musée à partir de 1997 visaient, elles, la constitution d’une collection couvrant la diversité de la culture matérielle de cette région (152 objets entre 1997 et 2002), en vue d'en faire une exposition.

Un réseau local

Utilisant un réseau de contacts déjà constitué depuis plusieurs années, l’anthropologue a fait appel à des interlocuteurs zambiens qui connaissaient au mieux la région ou le village concerné. Kenneth Musangu Chinyama, en particulier, l’a accompagné durant cette mission. Un rôle d’assistant principal qui consistait à la fonction d’interprète mais aussi à trouver des interlocuteurs et des objets. En effet les autorités locales traditionnelles, civiles et policières devaient être préalablement informées des collectes, dans un souci de transparence, de respect des règles et des traditions. C’est dans ce cadre que ce masque fut acheté directement à son créateur, Kenneth K. Lizambo, avec l’accord de son groupe.

2 hommes assis
Kenneth Kapalu Lizambo (à gauche) – photo: B. Wastiau.

Précision comptable

Tous les frais occasionnés lors de la mission ont été justifiés.

La précision de ces données comptables nous permet donc de retrouver le montant du défraiement, mais surtout le nom des informateurs, accompagnateurs et intermédiaires zambiens qui ont accompagné le chercheur belge dans ses collectes et achats en 1997 : Kenneth (Musangu) Chinyama au village de Mize et Yona Mbalakanyi (junior), village de Chingalala, Zambezi.

Feuillet de comptabilité

Feuillet de comptabilité correspondant à l’achat du masque et de son costume.

Pour chaque objet acheté, le chercheur a aussi rempli un carnet à souches de reçus qui permet de connaitre la date, le lieu, l’identité du vendeur, le montant et la description de l’achat.

Au-delà de cette précision factuelle, l’acquisition de ce masque est particulièrement bien documentée car elle concerne un objet contemporain dont l’auteur/créateur est aussi le vendeur (voir interview vidéo de Kenneth K. Lizambo, 1997). Ce n’est pas ce type d’achat qui était privilégié par le musée lors des époques antérieures où l’ancienneté des pièces avait souvent la préférence des collecteurs.

Un contexte contemporain

Les photos ci-dessous ont été prises en 1997 par l’anthropologue Manuel Jordan. Elles montrent le masque cizaluke du musée en pleine performance peu de temps avant son achat par Boris Wastiau.

Ces images ont toutes été prises durant la cérémonie annuelle du likumbi lya Mize (littéralement : jour de Mize), Mize étant la capitale culturelle des Luvale de Zambie.

Le masque cizaluke est ici accompagné de deux autres masques visaluke (pluriel). Il s’agit de masques profanes appartenant tous trois au groupe Lenga Navo, de Kenneth Kapalu Lizambo, et reconnaissables au style et aux couleurs fluo introduites dans les costumes.

Deux photographies montrant le masque du musée durant les cérémonies de confirmation du chef suprême des Luvale :

groupe de personnes

Photo Manuel Jordan, 1997 ©

groupe de personnes

Male Visaluke characters are assisted by women in finding objects hidden inside the body of a zoomorphic figure built from sand. Zambia, north-western Province, 1997.  (extrait de Manuel Jordan, Zambian Makishi Masquerades and the Story of Categories, A Antropologia dos Tshokwe e povos aparentados, Porto, Faculté des Lettres, Université de Porto, 2003, p. 79 & 80).
Photo Manuel Jordan, 1997 ©

 

D’autres objets collectés par Boris Wastiau exposés à l’AfricaMuseum

Si la présence du costume et de ses accessoires (ceinture, herminette) attire l’attention sur ce masque en particulier, d’autres objets collectés par Boris Wastiau se trouvent également dans la salle Rituels et Cérémonies (images ci-dessus) : quatre masques – dont deux ont été collectés lors de la même mission en 1997 – mais également deux peintures. Comme leurs titres respectifs en témoignent, ces œuvres signées par Stephen Kappata (1936-2007) s’inscrivent dans la réflexion de l’artiste sur la transformation (rupture et continuité) des traditions, en l’occurrence celle des mascarades makashi.

Ces peintures – non datées (mais avant 2002) – réfèrent donc pleinement à la dimension contemporaine des objets culturels présentés dans la même vitrine.

Toutefois, comme dans le reste du musée, la majorité des collections de cette salle a été acquise par l’institution durant la période coloniale belge.

La politique d’acquisition du musée des années 1980 et 1990

Dans les années 1980 et 1990, la politique de missions du musée était très dynamique dans le but d’orienter le développement des collections sur l’ensemble du continent africain (ex. Afrique du Nord, Afrique de l’Est, Côte d’Ivoire et Afrique australe) mais aussi sur le reste du monde (ex. Brésil). Au sein de la section d’Ethnographie, la collecte était considérée comme une des missions principales de la fonction de conservateur.

Bien que récente, cette politique d’accroissement massif des collections par des missions sur le terrain n’est malheureusement pas le gage d’une documentation optimale des artefacts dans les inventaires et bases de données actuels. Cela s’explique peut-être aussi par le recentrement des activités de l'institution sur l'Afrique centrale dès la fin des années 1990. Certaines de ces collections, pourtant récemment constituées, ont de ce fait, reçu moins d'attention.


Texte élaboré à partir d’une proposition d’Agnès Lacaille sur base de recherches spécifiques et d’une synthèse issue des données ci-dessous.

SOURCES

Entretiens, emails : Manuel Jordan, Hein Vanhee, Boris Wastiau

Archives :

  • MRAC, section d’Ethnographie : dossier d’acquisition B. Wastiau
  • Archives personnelles de Manuel Jordan : photographies

Ouvrages :

  • Macmillan, Hugh. "The Life and Art of Stephen Kappata". African Arts 30, no. 1 (1997): 20–94. 
  • Manuel Jordan, "Zambian Makishi Masquerades and the Story of Categories", A Antropologia dos Tshokwe e povos aparentados, Porto, Faculté des Lettres, Université de Porto, 2003, p. 79 & 80 
  • Wastiau Boris, Mahamba: The transforming Arts of Spirit possession among the Luvale-speaking People of the Upper Zambezi, doctoral thesis, University of East Anglia, 1997, 317 p.

Autres :

Conférence, Masque des réserves, masque des villages, Bruxelles, Brafa, 2015

 

Les informations qui se trouvent dans cet article sont essentiellement basées sur les ressources disponibles au musée (archives, publications, etc.). La biographie de l’objet peut donc toujours être enrichie. Avez-vous des remarques, des informations ou des témoignages à partager sur cet objet ou sur ce type d’objets ? N’hésitez pas à nous contacter : provenance@africamuseum.be.

 

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