Projets

PAStECA

Utilisation des photos aériennes historiques et des archives pour l'évaluation des changements environnementaux en Afrique centrale

Context: The conversion of natural lands into human-dominated landscapes is a major component of global environmental change. To quantify and understand the complexity of changes and subtle modifications in the environment, an accurate account of past landscape conditions has an important added value. However, sufficiently long, multidecadal records of landscape changes are almost inexistent for the least developed areas of the globe. Objectives: In PAStECA, we make use and valorise the Royal Museum for Central Africa (RMCA)’s unique collection of historical aerial photographs (and other archives) to reveal key information on the transformation of the environment from the mid of the 20th century and its impacts on geo-hydrological hazards and/or risks such as landslides, gully erosion and volcanic eruptions in the western branch of the East African Rift (Burundi, DR Congo, Rwanda). Results: First, we develop custom-made scanning and georeferencing protocols and tools of the photographs and produce digital orthomosaics. Then, machine learning models are developed to extract land use and land cover information from these georeferenced digital products. These photographs dating back to the 1950’s are also used to quantify the impact of human activities on landslide rates. Covering over 60 years, we show that population dynamics, conflicts and deforestation affect geo-hydrological hazards and/or risks in both rural and urban contexts, with differences between the three countries. Conclusion: Through the production of new tools and models we evidence the need to preserve and valorise the aerial photographs and archives conserved at the RMCA to support present-day environmental change studies, especially in Central Africa.

Keywords: historical aerial photographs; land use and land cover change; natural hazard and risk assessment; population dynamics; Africa

 Contexte, objectifs et méthodes

La conversion de terres naturelles en paysages dominés par l'homme est une composante majeure du changement environnemental global. Cette conversion a été importante au cours des derniers siècles, mais s'est accélérée de façon spectaculaire au cours des dernières décennies et devrait se poursuivre à l'avenir. Ces transformations de l'environnement induites par l'homme peuvent avoir des répercussions, par exemple sur la biodiversité, les rétroactions Terre-climat, , la dégradation des sols et les services écosystémiques. Les changements d'occupation et d’utilisation du sol (LULC), tels que la déforestation, la construction de routes et les activités minières, peuvent également avoir un impact sur les aléas géo-hydrologiques tels que les glissements de terrain, les crues soudaines et l'érosion ravinante , en augmentant leur fréquence et/ou leur intensité et en modifiant leur distribution spatiale. En outre, le développement économique non durable, la consommation croissante d'énergie et l'urbanisation rapide incontrôlée et informelle contribuent également à accroître les risques.

Dans les pays du Sud, on rencontre souvent des densités de population élevées dans les régions urbaines et périurbaines ainsi que dans les zones rurales peuplées. Ces populations sont souvent en augmentation (avec des taux de croissance supérieurs à la moyenne) et sont associées à une vulnérabilité importante de la société. En conséquence, on observe souvent une urbanisation incontrôlée et informelle qui se déroule  sans prendre en compte les contraintes environnementales. La croissance rapide et informelle des habitations et des infrastructures, est souvent située dans des zones impropres à la construction et dépourvues de services de base, ce qui à pour conséquence l’accroissement   de la vulnérabilité des populations face aux aléas  naturels. Il n'est donc pas surprenant que les population de ces région du Sud soient de plus en plus souvent exposées aux risques liés aux aléas naturels. Les changements de LULC,  notamment la déforestation, le développement de l'irrigation et l'étalement urbain, modifieront de nombreux facteurs à l’origine de la survenance des aléas géo-hydrologiques et, de ce fait, augmenteront leurs impacts. En outre, le changement climatique est à même de modifier les facteurs liés à ces aléas . Malgré ces tendances, les aléas géo-hydrologiques et les risques associés ne sont toujours pas documentés et traités correctement, ni analysés selon une approche spécifique au contexte. Pourtant, la nécessité de mieux comprendre les événements passés et actuels est bien réelle afin de pouvoir anticiper au mieux  les occurrences et les expositions potentielles futures.

La connaissance des conditions passées du LULC et de leurs évolutions récentes sur une échelle temporelle multidécennale représente une réelle valeur ajoutée pour quantifier et comprendre la complexité de l’évolution du LULC.  Cependant, les observations multidécennales  de ces changements du LULC sont presque inexistantes pour les régions les moins développées du globe. Cette lacune importante n'est pas facile à combler : les évaluations mondiales et régionales du LULC obtenues à partir des premières données satellitaires des années 70 et 80 offrent une résolution spatiale souvent trop grossière pour cet objectif et les données satellitaires à très haute résolution ne sont devenues disponibles dans le meilleur des cas qu'à la fin des années 90. L'utilisation de photographies aériennes historiques en noir et blanc offre la possibilité d'étudier une période plus longue. Ces photos fournissent de nombreux détails qui permettent d’étudier des sujets aussi différents que la transition forestière, la dynamique des glissements de terrain, l'érosion des sols et l'étalement urbain.

Bien que cette valeur ajoutée des photographies aériennes historiques soit évidente, notamment en Afrique où la disponibilité des données est rare, leur utilisation est encore trop souvent limitée par la qualité ou la disponibilité de données auxiliaires. La collection unique de photographies aériennes historiques (> 300 000 photographies) qui est conservée au MRAC et qui couvre l'ensemble de la RD Congo, du Burundi et du Rwanda a le potentiel de combler cette lacune Ces photographies constituent des archives importantes jusqu'ici peu exploitées. Elles ont le potentiel de révéler des informations clés sur l'état de l'environnement au milieu du 20ième siècle dans cette région d'Afrique centrale. En plus de ces photographies, des archives telles que des cartes anciennes également disponibles au MRAC (cadastre rural, cadastre urbain, etc.), peuvent compléter l’historique du LULC.

L'objectif principal  du projet PAStECA est d'utiliser et de valoriser les photographies aériennes et les archives conservées au MRAC pour révéler des informations clés sur la transformation de l'environnement et ses impacts sur les aléas et/ou risques géo-hydrologiques tels que les glissements de terrain, l'érosion par ravinement et les éruptions volcaniques dans des milieux tropicaux ciblés d'Afrique centrale. Le premier objectif spécifique est de produire des produits numériques géolocalisés à partir des photographies historiques et des archives qui peuvent être utilisés pour les études LULC en général. Le deuxième objectif spécifique est d'explorer, à l'aide de ces produits numériques, les causes, les conséquences, les échelles et les tendances du LULC et de ses changements dans lecontexte des aléas géo-hydrologiques et des risques associés. Le troisième objectif spécifique est consacré à l'amélioration de l'accessibilité des produits numériques liés aux photographies historiques, aux archives et aux changements dU LULC afin de favoriser leur exploitation.

Le projet traite de l'occupation des sols et de la démographie, de la dégradation des sols, de la géomorphologie et des aléas géo-hydrologiques et des risques associés, tout en s’appuyant sur des techniques de géomatique et de télédétection. Afin de mener à bien le projet de la manière la plus efficace, la recherche se concentre sur une zone d'étude bien définie située dans les environnements montagneux tropicaux  de la branche occidentale du Rift est-africain. La région d'intérêt s'étend du nord du lac Tanganyika jusqu'à la province volcanique des Virunga au nord.. L’évolution du LULC de cette région est particulièrement intéressante à étudier en raison de la combinaison de caractéristiques naturelles et anthropiques  (densité de population élevée et vulnérabilité importante, frontière entre trois pays, diversité des paysages, dégradation récente du sol, conflits divers, expansion urbaine, nombreux glissements de terrain, volcans très actifs, etc.)

 Résultats et recommandations

En ce qui concerne les données d'archives et la géolocalisation :  les photographies aériennes historiques conservées au MRAC correspondent à des reproductions papier de relevés aériens réalisés dans les années 1940′ et 1950 par les instituts géographiques locaux coloniaux, belges et français. Globalement, la qualité des photos papier est généralement relativement médiocre, selon le jeu de données et la bande de photos. Par conséquent, nous avons tout d'abord développé sur mesure des protocoles et des outils de numérisation et de géoréférencement des photographies. Ceci a permis de scanner plus de 8000 photographies. A partir de ces photographies, nous avons produit une orthomosaïque régionale couvrant plus de 20 000 km² ainsi que des orthomosaïques spécifiques pour les trois villes de Bujumbura au Burundi, Bukavu en RDC et Goma-Gisenyi à la frontière entre la RDC et le Rwanda. En plus du traitement des photographies, des milliers de cartes et autres archives ont été scannées et rendues accessibles via le Geocatalogue.

Ensuite, des modèles d'apprentissage automatique ont été développés pour extraire des informations sur le LULC à partir de ces produits numériques géoréférencés. Au niveau régional, nous avons extrait la forêt. Cela permet de mettre en évidence que dans les années 1950, de grandes parties de la zone d’étude étaient déjà déboisées. En comparant cela aux données satellitaires, nous avons pu reconstruire six décennies de dynamique de couverture forestière . Au niveau des villes, nous avons extrait des informations sur la végétation et le bâti. Nous montrons les zones urbaines ont connu une croissance exponentielle au cours des six dernières décennies.

Au niveau régional, nous avons utilisé les photographies pour quantifier l'impact des activités humaines sur l’aléa lié aux glissement de terrain et sur leur taux de survenance. En accordant une attention particulière à la géodynamique du rift et aux contrastes géomorphologiques des pentes et des lithologies, et en développant des modèles spécifiques d'occurrence spatio-temporelle des glissements de terrain et de déforestation, nous montrons que le risque actuel de glissement de terrain dans l'est de la RDC est deux fois plus élevé qu'au Rwanda et au Burundi voisins. Les ménages congolais occupent en moyenne des terrains plus dangereux, probablement en raison des conflits et des facteurs d'attraction économique tels que l'exploitation minière. En outre, la récente déforestation à grande échelle de la forêt tropicale primaire en RDC a considérablement exacerbé le risque de glissement de terrain. Bien que le risque ait augmenté en raison des activités humaines, nous montrons que ces dernières ont en quelque sorte un impact moindre sur les taux de glissement de terrain.

Au niveau des villes, nous montrons, à partir d'une combinaison d'informations historiques provenant de photographies et d'archives, et des connaissances clés de plus de 150 acteurs locaux, que la dynamique démographique et les déclencheurs sociaux tels que les conflits violents et les guerres étaient positivement liés à l'expansion urbaine. Deuxièmement, à mesure que la pression démographique augmentait, les effets contraignants de l'environnement naturel tels que le relief et les risques de catastrophes naturelles s'affaiblissaient, entraînant le développement urbain dans des zones moins adaptées.

Les résultats du projet PAStECA ont été publiés dans plus de 10 publications scientifiques dans des revues internationales évaluées par des pairs et dans deux thèses de doctorat. PAStECA a également créé des produits numériques, des outils, des modèles et des jeux de données qui sont pertinents pour valoriser les photographies et les archives historiques ainsi que pour étudier les aléas géo-hydrologiques et les risques associés, et plus généralement l'évolution de l'environnement et ses impacts. En outre, les résultats du projet ont été diffusés, par exemple par le biais d'une exposition permanente en RDC qui vise à éduquer et à sensibiliser le public aux risques liés aux aléas naturels.

La nécessité de préserver et de valoriser une collection unique : PAStECA a démontré qu'avec des moyens assez limités, la préservation et la valorisation de photographies aériennes historiques est possible. Cependant, PAStECA montre également que beaucoup de ces photographies se détériorent, soulignant ainsi l'urgence d'un tel travail au niveau de l'ensemble de la collection.

Mots clés : photographies aériennes historiques ; changement d'utilisation et d'occupation des sols ; évaluation des aléas naturels et des risques associés ; dynamique de la population ; Afrique.

Investigateur principal:

Dates:

2017 2022

Partenaires externes:


• Arthur DEPICKER, KU Leuven
• Liesbet JACOBS, KU Leuven
• Anton Van ROMPAEY (WP leader), KU Leuven
• Gerard GOVERS (WP leader), KU Leuven
• Eléonore WOLFF (WP leader), ULB
• Taïs GRIPPA, ULB
• Moritz LENNERT, ULB
• Nicholus ODHIMABO MBOGA, ULB
• Sabine VANHUYSSE, ULB