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GeoRisCA

Géo-risque en Afrique Centrale: approche intégrée des multi-aléas et de la vulnérabilité au service de la gestion du risque global

GeoRisCA (2012-2016) is a scientific project funded by the Belgian Federal Scientific Policy (Belspo).

The main objective is the assessment of the georisk in the Kivu region (DRC, Rwanda, Burundi), by analysing and combining seismic, volcanic and mass-movement hazards as well as the vulnerability of the population, the infrastructures and the natural ecosystems, in order to support risk management.

The project is coordinated by the Royal Museum for Central Africa, in collaboration with the Université Libre de Bruxelles, the Université de Liège, the Vrije Universiteit Brussel and the European Center of Geodynamics and Seismology. It is conducted in close collaboration with local partners from the three targeted countries (Burundi, DRC and Rwanda).

Le rift Est Africain, une zone d’extension intra-continentale, est l’un des phénomènes géologiques majeur qui prend la forme d’une zone d’effondrement séparée par des failles des blocs continentaux stables. La région intéressée par ce projet s’étend de la Province du Nord-Kivu en République démocratique du Congo (RDC), au Nord Burundi et Est Rwanda. Elle est centrée sur le bassin du lac Kivu et la Province volcanique des Virunga, au milieu du rift. Cette région, la plus peuplée du rift, est soumise à une rare combinaison d’aléas géologiques, d’origine sismique, volcanique et de mouvement de masse. Cette région est marquée par une forte sismicité comme en atteste les plus grands séismes enregistrés en Afrique notamment en 1910 (M. 7.3 ouest Tanzanie), 1992 (M7.0, est RDC) et 2005 (M6.8, est DRC). Plus récemment, des séismes de magnitudes cependant modérées se sont produits dans la région du Bassin Kivu et ont causés des dégâts et un nombre de victimes important. Ces événements illustrent une tendance à une exposition accrue au risque sismique. Un événement tel que celui de 1910 en Tanzanie aurait aujourd’hui des conséquences catastrophiques.

La région d’étude comprend également les deux volcans les plus actifs d’Afrique : le Nyiragongo et le Nyamulagira. Les éruption de ce dernier ont de sérieuses conséquences sur l’écosystème de la forêt tropicale : ainsi en 2010 lors de sa dernière éruption, environ 927 ha de forêt ont été dévastés par les coulées de lave. Son voisin quant à lui, le Nyiragongo, contient le lac de lave semi-mermanent le plus vaste au monde (~200m de diamètre). Ce volcan est aussi le plus dangereux d’Afrique puisqu’il menace directement les ~700.000 habitants de la ville de Goma située à quelques 15 km au sud, et de ses environs. Comme en 1977, en janvier 2002 l’éruption du Nyiragongo se produit par l’ouverture de fissures dans les flancs du volcan, laissant s’échapper les coulées de lave qui détruisent environ 10% de la ville, tuent 150 personnes, rendent ~100.000 personnes sans abris, et provoquent une crise humanitaire importante. Les conséquences socio-économiques à long terme s’en ressentent encore fortement aujourd’hui. Goma constitue un centre économique stratégique dans la region des Grands Lacs et sa population s’accroît rapidement; sans oublier les importants mouvements de populations induits par les conflits dans la région. Les volcans endormis de l’est de la Province Volcanique des Virunga présentent également une possible menace d’éruptions explosives comme le suggèrent les dépôts pyroclastiques datant de l’Holocène au Rwanda. Une telle éruption aurait aujourd’hui un impact considérable à l’échelle régionale.

Le Lac Kivu soulève lui aussi des inquiétudes avec les grandes quantités de gaz dissout qu’il contient et qui pourrait être libérées en une éruption limnique catastrophique. On craint en effet que, comme ce fut le cas en 1986 pour le Lac Nyos au Cameroun, un brutal dégazage se produise entrainant l’asphyxie des populations des environs. Un tel événement pourait se produire naturellement lorsque la concentration en gaz dissout est proche de son niveau de saturation, mais pourrait aussi se produire avec un événement déclencheur (éruption magmatique sous marine, movement de masse majeur, etc.). Cette crainte est encore plus forte pour la Baie de Kabuno dont la concentration en CO2 serait très élevée et le seuil de saturation proche de la surface.

L’aléa gaz est également observé à terre où le dégazage volcanique passif fait régulièrement des victimes du fait de l’accumulation de CO2 –plus lourd que l’air- dans des dépressions jusqu’à des concentrations létales. Ce dégazage s’observe en de nombreux endroits y compris dans des zones urbaines où il cause fréquemment des accidents. Le lien entre le flux du gaz et l’activité volcanique n’a à ce jour cependant pas encore pu être établi.

Dans toute la région, les glissements de terrain, définis comme des mouvements de masse (superficiels ou profonds) d’une portion de pente ou de la pente elle même, sont fréquemment observés comme le montre la « base de donnée des risques naturels d’Afrique Centrale ». L’étude des mécanismes des mouvements de masse met en évidence qu’ils peuvent être dus à un excès d’eau dans le sol ou être liés à l’activité sismique ou volcanique (coulée de boue), ou encore résulter d’une action combinée de ces facteurs. De plus, cette compilation montre que la fréquence et la magnitude des mouvements de masse en zones urbaines d’Afrique Centrale (comme Kinshasa, Bukavu, Uvira, Mbuji-Mayi, Butembo, and Bujumbura) est plus élevées que ce à quoi l’on pourrait s’attendre en milieu naturel. Dans des villes comme Bujumbura et Uvira par exemple, les limites materialisées par les rives du Lac Tanganyika et les escarpements du rift, forcent la population à se concentrer dans des zones de moins en moins appropriées. Cela implique la construction d’infrastructures dans des zones instables affectées par des glissements de terrain et des éboulements.

Ces catastrophes naturelles, c’est-à-dire la réalisation du risque, sont le résultat de la conjonction d’un aléa et d’éléments vulnérables (population, ressources, réseaux, activités) dans le temps et l’espace. La vulnérabilité, qui définit la susceptibilité des éléments en question à subir un dommage lors d’un processus naturel, est contrôlée par l’exposition au risque et la résilience. Une contribution essentielle de notre projet est de développer une méthodologie permettant d’évaluer la vulnérabilité aux différents aléas dans la zone d’étude, à une échelle régionale ainsi qu’à une échelle locale pour des zones urbaines spécifiques, en prenant en compte l’évolution temporelle de la vulnérabilité.

Tenant compte des facteurs identifiés, l’objectif du projet consiste à évaluer le risque lié à des aléas multiples dans une région sujette à beaucoup de désastres (parfois combinés) chaque année et qui pourrait subir un impact majeur dans les années à venir. La menace, potentiellement amplifiée par le contexte du gaz dissout dans les eaux du Lac Kivu, vient de l’activité sismique importante, de l’activité d’au moins l’un des deux volcans des Virunga, des dangers liés au dégazage passif autour et dans la ville de Goma, et du nombre importants de glissements de terrains potentiels. Cette évaluation prendra la forme de cartes et bases de données, des outils d’aide à la décision. Compte tenu de la menace qui pèse à la fois sur les populations et les écosystèmes, il est essentiel de considérer une méthodologie permettant d’évaluer les multi-aléas tant sur le long que sur le court terme et de la coupler à la production de cartes de risques. Avec ces outils, les autorités locales et régionales, de même que les acteurs locaux et internationaux bénéficieront de documents essentiels à l’aménagement du territoire, à la planification de programmes de développement, et pour une réponse appropriée en cas de crise.

Les objectifs spécifiques du projet sont (1) de contribuer à améliorer l’évaluation des aléas géologiques identifiés à l’échelle régionale ainsi que dans des zones spécifiques notamment urbaines ; (2) évaluer la vulnérabilité globale des populations à ces aléas, une étude jamais réalisée dans cette région qui compte pourtant plus de 3 millions de personnes ; (3) préciser et définir une méthodologie pour l’évaluation des risques, ce qui permettra de rapides mises à jour à la demande pour des zones spécifiques ; (4) fournir des outils d’aide à la décision par le biais de cartes basées sur un nombre important d’indicateurs définissants les aléas et les facteurs de vulnérabilité ; et enfin (5) d’alimenter les processus de gestion des risques par des cartes diffusées dans les institutions en charge de la remédiation, ou aux autorités et organisations concernées. Pour atteindre ces objecifs, une approche novatrice basée sur la mise en commun de différentes disciplines scientifiques avec leurs méthodologies propres sera suivie. La géologie, la géophysique, la géomorphologie, la géographie, et l’anthropologie seront combinées afin de fournir une image réaliste du risque dans la région. La méthodologie développée à l’échelle locale combinera les facteurs de vulnérabilité et d’aléas, de même que les facteurs de perception.

Enfin, l’intégration des dimensions spatio-temporelles sera prise en compte: l’évaluation du risque se fera aux échelles régionale et locale et le projet fournira une vision du niveau de risque, prenant en compte les variations des facteurs de vulnérabilité et les mécanismes d’adaptation que les gens développent face aux risques géologiques.

Investigateur principal:

Dates:

2012 2016

Partenaires externes:

Dr. H.B. Havenith
Dr. N. d'Oreye
Dr. E. Wolff
Dr. M. Kervyn
S. Poppe
S. Draidia