Un quart de la faune dulçaquicole menacée d’extinction
Dans un nouvel article de Nature, quelque 88 scientifiques et collaborateurs de l’UICN issus du monde entier ayant pris part au programme de vingt années lancé par cet organisme afin d’évaluer la situation de divers groupes d’animaux vivant dans les eaux douces signalent qu’un quart de la faune dulçaquicole de la planète est menacée d’extinction.
Pêcheurs sur une aire d’accostage au bord du lac Édouard, en Ouganda.
Jos Snoeks, © MRAC Tervuren
La caractéristique d’une « crise silencieuse » est que peu de personnes en ont conscience. Le fort déclin de la biodiversité des écosystèmes dulçaquicoles observé au niveau mondial fait partie de ce type de crise. Ce qui se passe sous l’eau illustre dans une large mesure le « out of sight, out of mind » (hors de la vue, hors de l’esprit). Longtemps, les systèmes dulçaquicoles et leur faune et leur flore ont été négligés dans les évaluations approfondies, dans les plans de gestion de la conservation, dans les aménagements de zones protégées, et même dans les fameux Objectifs de Développement durable.
Quelque 88 scientifiques et collaborateurs de l’UICN issus du monde entier ayant pris part à un programme de vingt années lancé par cet organisme afin d’examiner divers groupes d’animaux vivant dans les eaux douces viennent de publier dans Nature une étude selon laquelle un quart de la faune dulçaquicole de la planète est menacée d’extinction.
Un des coauteurs de cette étude, Jos Snoeks, de l’AfricaMuseum et de la KU Leuven, a travaillé avec l’UICN pendant des dizaines d’années et pris part à de nombreux programmes d’évaluation et de nombreux workshops régionaux organisés en Afrique. Il confirme que les résultats de l’étude effectuée au niveau mondial s’appliquent aussi à l’Afrique, mais il souligne que, fait caractéristique des régions tropicales, la diversité ichtyologique de l’Afrique subsaharienne est d’une grande richesse et l’on manque de données pour un grand nombre d’espèces, donc d’informations fiables permettant d’évaluer leur situation.
« Il faut également prendre en compte le fait que pour les écosystèmes dulçaquicoles africains, le travail scientifique qui sous-tend ces analyses est loin d’être terminé. Un grand nombre de lacs, de rivières et d’autres milieux humides n’ont pas été véritablement explorés, et plus d’un millier d’espèces de poissons restent à décrire », précise-t-il, « le risque est donc réel, que des espèces disparaissent avant même d’avoir été découvertes ».
Il ajoute que certains écosystèmes aquatiques d’Afrique sont absolument uniques. « Dans les lacs de la vallée du Rift africain se trouve la plus forte concentration d’espèces de vertébrés sur terre, le lac Malawi venant en tête avec plus de 1000 espèces. Moins de la moitié d’entre elles ont été décrites. Le système fluvial du Congo est également exceptionnel : il s’agit d’un des cours d’eau les plus riches en espèces du monde, après l’Amazone. Et là aussi, on estime que des centaines d’espèces doivent encore être décrites.
Mais ce n’est pas le seul problème. Snoeks explique qu’en Afrique plus que sur les autres continents, la pêche en eaux intérieures est la source principale de protéines animales, de micronutriments et de vitamines de millions d’habitants. Si la surpêche et d’autres menaces continuent de peser sur les écosystèmes dulçaquicoles et leurs organismes, cette pêche elle-même est menacée dans sa durabilité.
L’article publié dans Nature analyse également les nombreuses menaces pesant sur la faune dulçaquicole, qui diffèrent selon les groupes d’animaux et les régions. La plus forte concentration d’espèces menacées qui pourraient avoir déjà disparu se trouve dans le lac Victoria. Snoeks explique que ce fait est la conséquence d’une combinaison de plusieurs menaces. « Au cours des quarante dernières années, nous avons assisté à une détérioration des écosystèmes du lac Victoria. Les principaux facteurs qui en sont responsables sont l’introduction de plusieurs espèces de poissons non natifs, dont la perche du Nil, un grand prédateur ; l’arrivée de la jacinthe d’eau, plante flottante invasive qui a recouvert de vastes zones du lac ; la surpêche ; la sédimentation ; et la pollution due au fort accroissement de la population humaine vivant sur les rives. »
L’AfricaMuseum est un institut de premier rang au niveau mondial pour ce qui concerne l’étude des poissons d’eau douce et a joué un rôle important en formant de nombreux ichtyologues africains.
Lisez la publication originale One-quarter of freshwater fauna threatened with extinction ici.
Vous trouverez plus d'informations sur les poissons africains sur Fishbase for Africa.