Analyse forensique sur le bois pour combattre la perte de biodiversité

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Besoin de soigner le bois

Matériau très apprécié et polyvalent, utilisé depuis l’aube des temps, le bois reste très sollicité dans la construction, l’industrie papetière et le secteur de l’énergie. Certaines essences sont très demandées en raison de leur qualité, leur résistance ou leur valeur esthétique. Les forêts tropicales, en particulier, comptent de nombreuses espèces d’arbres dont seulement quelques dizaines font l’objet d’un commerce sur le marché (inter)national. Un abattage incontrôlé de ces arbres mettra en péril l’existence même de ces espèces. La gestion durable des forêts vise à tenir compte de la capacité des forêts à se renouveler et les besoins des générations futures, mais certaines espèces subissent une si forte pression qu’une réglementation supplémentaire est nécessaire pour les protéger.

 

CITES

La Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) est un accord international qui limite ou interdit le commerce des espèces de plantes et d’animaux menacées entre les pays signataires. CITES fonctionne avec trois annexes où les espèces sont classées selon leur niveau de protection. Les espèces figurant à l’Annexe I sont réellement menacées d’extinction et leur commerce est interdit. Les espèces figurant à l’Annexe II sont sous forte pression et peuvent devenir menacées si le commerce n’est pas contrôlé. CITES impose donc des quotas et des conditions de commerce pour limiter et suivre le commerce de ces espèces. Lorsqu’un des pays participants souhaite protéger une espèce et demande l’aide des autres pays, cette espèce est inscrite à l’Annexe III. Les autres pays peuvent alors, par exemple, effectuer des contrôles d’importation.

 

Commerce illégal de bois

Des réglementations comme CITES ne plaisent pas à tout le monde, car elles limitent les revenus tirés des essences de bois précieuses. Malheureusement, une partie de la chaîne du bois contourne ces règles et une part considérable du commerce international du bois est illégale. INTERPOL estime que cela représente entre 15 et 30 %, impliquant des milliards de dollars et plaçant le commerce illégal de bois en tête de liste des crimes environnementaux les plus lucratifs.

 

L’importance de la Belgique

Les essences de bois proviennent du monde entier et la Belgique est un acteur important dans le commerce international du bois. Par exemple, près de 30 % de tout le bois tropical importé dans l’Union européenne entre par le port d’Anvers. Cela inclut également une partie du commerce illégal de bois. Notre pays a une grande responsabilité dans la lutte contre le bois illégal sur le marché européen.

 

ENFORCE

L’une des méthodes les plus efficaces pour lutter contre le commerce illégal de bois est de vérifier l’espèce et/ou l’origine du bois. C’est dans ce contexte qu’en 2022, le premier centre d’expertise belge pour la recherche judiciaire (ENFORCE) a été lancé, situé dans nos bâtiments à Tervuren. Tant les institutions gouvernementales et les entreprises que les ONG souhaitent effectuer des contrôles sur les grandes quantités de bois entrant en Belgique. Il y a donc de nombreux acteurs intéressés ! De plus, l’institut de recherche du Musée royal de l’Afrique centrale possède une collection de bois de plus de 82 000 échantillons provenant du monde entier. Le service de Biologie du bois gère cette collection et ENFORCE l’utilise quotidiennement pour réaliser des expertises.

 

L’anatomie du bois rencontre la chimie !

ENFORCE dispose de deux méthodes d’identification : l’étude de l’anatomie du bois et celle de sa composition chimique. « Lors de l’examen de l’anatomie du bois, nous observons les caractéristiques microscopiques des tissus et des cellules du bois sur des coupes ultrafines – des tranches de bois d’environ 0,02 mm d’épaisseur. De telles coupes nécessitent de la patience, de l’expérience et de la concentration : toutes les essences de bois ne sont pas aussi dures ou résistantes et les lames sont tranchantes. Il faut également orienter correctement les coupes pour voir toutes les caractéristiques. »

La description de plus de 160 caractéristiques anatomiques du bois constitue depuis des décennies la base de l’identification du bois. Chaque caractéristique est marquée comme présente ou absente. Il en résulte une sorte de code-barres qui est comparé avec InsideWood, la base de données de référence des essences de bois décrites. Ensuite, des échantillons de bois et des coupes de la collection du musée sont utilisés pour confirmer l’identification.

Pour découvrir la composition chimique du bois, ENFORCE a installé un spectromètre de masse avancé. Cet instrument sophistiqué produit rapidement et avec précision une empreinte chimique d‘un éclat de bois, qui est ensuite comparée aux profils d‘une autre base de données de bois. « C‘est dans la combinaison des deux méthodes que nous obtenons les meilleurs résultats. La méthode chimique est très prometteuse mais encore nouvelle pour le bois et en plein développement. L‘anatomie du bois reste donc notre point de départ pour déterminer une essence de bois. Avec des analyses d‘échantillons de bois de notre propre collection, nous renforçons les bases de données chimiques et anatomiques. »

 

Qu’apporte l’avenir ?

Ainsi, ENFORCE aide dans la lutte contre le commerce illégal de bois et l’exploitation continue des forêts et essences menacées. « Une citation souvent utilisée dans notre domaine est celle d’Abraham Lincoln : "Law without enforcement is just advice". Les défis pour les laboratoires de recherche judiciaire sur le bois sont énormes. L’offre de produits en bois est vaste et diversifiée et de nouveaux conflits et réglementations provoquent des changements rapides dans le commerce du bois. L’élargissement des bases de données prend surtout du temps et de l’argent. La collaboration et la combinaison sont les deux mots clés. Nous ne réussirons à progresser dans la lutte contre les contrebandiers de bois illégal qu’en combinant les méthodes de recherche et que s’il existe un dialogue clair entre les scientifiques, les décideurs politiques, l’industrie du bois, les ONG et les forces de l’ordre. »

En résumé : pour préserver notre biodiversité, nous avons besoin d’un ensemble très diversifié de connaissances et de moyens.

Plus d’informations sont disponibles sur le site web d’ENFORCE : https://enforce.africamuseum.be/en