Gouvernance, processus de paix et restitution numérique dans le nord-est du Congo
Dans la région en conflit du nord-est du Congo, la résurgence des autorités coutumières va de pair avec un intérêt croissant pour le passé. De nombreux objets témoins de ce passé sont arrivés au musée pendant la période coloniale. Un lien restauré avec ce patrimoine peut-il agir comme catalyseur dans le processus de paix dans la région ?
Chapeau tressé avec des plumes. Bambili, Bas-Uele, RDC [Boa/Babua]. Début du XXe siècle.
Collecté par A. Hutereau, 1912. Collection MRAC Tervuren, EO.0.0.11712.
C'est une question centrale d'un nouveau projet de recherche du MRAC, mené en collaboration avec les universités de Gand, d’Anvers et de l’Uele (RDC).
Gouvernance traditionnelle
Le nord-est du Congo a été touché par des conflits violents successifs et s’est peu à peu isolé. De nombreux acteurs y luttent pour le pouvoir politique et la légitimité au niveau local.
Les autorités coutumières connaissent une nette résurgence dans la gouvernance locale. Ce pouvoir coutumier remonte en partie aux traditions pré-coloniales qui ont, malgré des interruptions, continué d'exister pendant les périodes coloniale et post-coloniale.
La résurgence de cette gouvernance traditionnelle va de pair avec un intérêt croissant pour le passé et ses aspects matériels. Les objets qui représentaient le statut des chefs traditionnels, tels que les coiffes, les couteaux de cérémonie ou les instruments de musique, en sont des exemples.
En raison de la frénésie coloniale de collecte et de l'agitation politique, ces objets rituels (et d'autres) ont disparu des communautés. La perte de ces objets et des connaissances ancestrales est vécue localement comme une des causes du mauvais état actuel de la société.
L'héritage perdu
Le projet examinera les cultures politiques africaines contemporaines. Une étude des objets rituels de la collection MRAC et de leur provenances jettera un éclairage nouveau sur le discours actuel sur l'autorité et la légitimité dans le nord-est du Congo.
« Ensuite, nous allons explorer le potentiel de restauration de la mémoire et de l'accès à ce patrimoine perdu par la restitution numérique », explique la chercheuse postdoctorale Vicky Van Bockhaven qui a élaboré la proposition de recherche initiale. La connaissance de sa propre histoire culturelle peut-elle avoir un impact positif sur l'estime de soi collective ? La reconnexion des communautés avec leur passé (partagé) peut-elle contribuer au processus de paix dans la région ?
Restitution numérique ?
La restitution numérique est conçue de manière très large dans le projet, bien que sa forme concrète soit encore ouverte. « Au cours du travail sur le terrain, nous voulons examiner avec les parties prenantes ce qui est souhaitable et faisable, et développer des produits numériques qui s'articulent étroitement avec les infrastructures et les médias existants, tels que les smartphones ou les chaînes de radio et de télévision », explique l'historien et coordinateur du projet Hein Vanhee.
« Le numérique a notamment été choisi en raison des obstacles juridiques actuels au retour physique. Mais cette restitution numérique vise également à préparer la voie au retour effectif des objets à l'avenir. Nous espérons que la concertation étroite entre parties prenantes permettra de développer un modèle de restitution physique durable », déclare Hein Vanhee.
Chef Constant Ngbatanadu, chef wando. Dungu, Haut-Uele, RDC. Image tirée d'une interview vidéo de V. Van Bockhaven, novembre 2017.