La chaleur et la sécheresse ralentissent la croissance des arbres tropicaux

La croissance des troncs des arbres tropicaux diminue les années où la saison sèche est plus chaude et plus sèche que la normale. C'est ce que révèle une étude mondiale sur la sensibilité des arbres tropicaux face au changement climatique. Les chercheurs ont constaté que l'effet des années plus sèches et plus chaudes est plus important dans les régions plus arides ou plus chaudes. Ces résultats suggèrent que le changement climatique pourrait accentuer la sensibilité des arbres tropicaux face aux fluctuations climatiques.

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La croissance des arbres tropicaux, comme cet Afrormosia dans la réserve de biosphère de Yangambi (RD Congo), diminue les années où la saison sèche est plus chaude et plus sèche que la normale. © Axel Fassio/CIFOR

 

Étant donné l’absence de saison froide en région tropicale, les scientifiques ont longtemps supposé que les arbres tropicaux connaissaient une croissance continue et qu’ils ne présentaient donc pas de cernes de croissance. Mais au cours des dernières décennies, la formation de cernes de croissance a été prouvée chez des centaines d'espèces d'arbres tropicaux. « Pour la première fois, nous obtenons une image pantropicale de la façon dont la croissance des arbres tropicaux réagit face aux fluctuations climatiques », explique le professeur Pieter Zuidema de l'université de Wageningen, premier auteur de l’étude.

Dr Hans Beeckman, coauteur de l'étude, du Musée royal de l'Afrique centrale : « Les forêts tropicales stockent de grandes quantités de carbone et, par ailleurs, continuent de capter chaque année une part importante de nos émissions de CO2 grâce à la croissance des arbres. Pour appuyer la politique climatique, nous avons besoin de bonnes données sur la croissance des arbres. Les arbres sont comme des capteurs qui enregistrent des informations sur les fluctuations du climat : les cernes de croissance que l’on observe sur une coupe transversale d’un tronc peuvent être lues comme une séquence de conditions qui favorisent ou inhibent la croissance des arbres. Ces données de haute qualité sont très recherchées : elles sont essentielles pour bien comprendre la santé des forêts tropicales. » Pour cette étude internationale, les coauteurs du Musée royal de l'Afrique centrale à Tervuren ont fourni des données provenant à la fois de forêts tropicales humides et de forêts sèches, sous la forme de séries de largeurs de cernes de croissance.

 

Pour appuyer la politique climatique, nous avons besoin de bonnes données sur la croissance des arbres. C'est essentiel pour comprendre la santé des forêts tropicales.

Séquestration du CO2

Cette étude aide à comprendre les grandes fluctuations de l'absorption du carbone par la végétation tropicale à l'échelle mondiale. Pieter Zuidema : « Les simulations provenant de modèles montrent que pendant les années plus chaudes ou plus sèches, la végétation tropicale croît moins et capte donc moins de CO2 de l'atmosphère. Mais les mesures réelles de la croissance de la végétation faisaient défaut jusqu'à présent. Nos résultats apportent donc un soutien empirique à ces modèles globaux. »

Les auteurs ont été surpris de constater que le climat de la saison sèche avait un effet plus marqué sur la croissance des arbres que celui de la saison humide. La co-auteure, Valérie Trouet, de l'Université d'Arizona, et ancienne chercheuse au Musée royal de l'Afrique centrale, explique : « Nous savons que la photosynthèse et la production de bois des arbres tropicaux atteignent généralement leur maximum pendant la saison humide. Alors pourquoi les fluctuations annuelles de la croissance des arbres dépendent-elles de la saison sèche ? Cela nous a surpris et rendu perplexes. Notre explication est que l'eau est disponible pendant une période plus longue au cours des années où la saison sèche est plus humide ou plus fraîche. En d'autres termes, la saison de croissance est plus longue. Cela entraîne alors une croissance plus importante des troncs. »

 

Combler les lacunes dans les données

L'étude comble une importante lacune dans les données relatives aux cernes de croissance. Pieter Zuidema : « Les cartes mondiales montrant les emplacements des études sur les cernes de croissance présentent généralement un trou au milieu, au niveau des tropiques. Notre réseau comble cette lacune dans les données tropicales ». Mélissa Rousseau, chercheuse du Musée royal de l'Afrique centrale : « Même en forêt tropicale, la mémoire des arbres peut être révélée par une analyse approfondie du bois entre la moelle et l'écorce. Pour réaliser l'analyse des cernes, nous avons installé un laboratoire entièrement équipé à Yangambi, dans la région équatoriale du Congo. Il est utilisé par des chercheurs congolais et internationaux. »

 

Le changement climatique

Le réchauffement climatique devrait augmenter la température sur les sites étudiés de 0,5 degré par décennie à l'avenir. Les auteurs s'attendent à ce que le réchauffement aggrave les effets négatifs des saisons sèches plus chaudes et plus sèches sur la croissance des arbres. Si une croissance plus lente augmente le risque de mort des arbres, la végétation tropicale pourrait agir plus fréquemment comme source de CO2 plutôt que comme puits de carbone.

Une étude publiée dans Nature en 2020, dont l'auteur principal est le Dr Wannes Hubau (Musée royal de l'Afrique centrale), a déjà démontré que le passage redouté des forêts tropicales de puits de carbone à source de carbone a déjà commencé.

 

 

En savoir plus

Article scientifique : P.A. Zuidema, F. Babst, P. Groenendijk, V. Trouet, et. al. Tropical tree growth driven by dry-season climate variability (2022). Nature Geoscience. https://doi.org/10.1038/s41561-022-00911-8