Les modèles climatiques actuels ne rendent pas compte de la dynamique du carbone dans les forêts tropicales

Des recherches récentes montrent que les forêts tropicales d'Afrique et d'Amazonie fixent de moins en moins de carbone. Cependant, les modèles climatiques actuels sont incapables de reproduire cette dynamique naturelle, selon une nouvelle étude menée par les universités de Hong Kong, de Leeds et le Musée royal de l'Afrique centrale (MRAC). Les modèles prévoient même une légère augmentation de la fixation de carbone. Une adaptation des modèles est nécessaire, car ils sont à la base de la politique climatique mondiale.

Un géant de la forêt dans la Réserve de biosphère de Luki

Un géant de la forêt dans la Réserve de biosphère de Luki. Cet arbre contient des tonnes de carbone et absorbe chaque année d'importantes quantités de CO2 de l'atmosphère.
© Wannes Hubau

 

D’un puits de carbone vers une source de carbone

Les forêts tropicales jouent un rôle crucial dans l'élimination du dioxyde de carbone (CO2) de l'atmosphère. Des analyses récentes montrent que les forêts tropicales intactes d'Afrique centrale et d'Amazonie constituent non seulement un énorme réservoir de carbone, mais aussi un important « puits de carbone ». Ces résultats sont basés sur des mesures directes dans un vaste réseau de parcelles de recherche. Néanmoins, après des décennies de surveillance étroite (1985-2014), les scientifiques sont arrivés à la conclusion alarmante que la capacité des forêts tropicales à séquestrer le carbone diminue depuis les années 1990.

Cette recherche, publiée l'année dernière dans Nature et menée par l'Université de Leeds et le Musée royal de l'Afrique centrale, suggère que la transformation redoutée des forêts tropicales de puits de carbone en source de carbone a déjà commencé.

 

Il est urgent de adapter les modèles à la réalité afin de mieux informer la future politique climatique

L’affaiblissement du puits de carbone n'est pas pris en compte dans les modèles climatiques

Les chercheurs ont comparé ces résultats de terrain avec les estimations des deux dernières générations de modèles climatiques mondiaux (Earth System Models). La comparaison montre que les résultats des modèles ne correspondent pas à la dynamique du carbone observée entre 1985 et 2014.

« L’affaiblissement du puits de carbone tropical que nous observons depuis les années 1990 n'est pas pris en compte dans les modèles. Pour l'avenir, ces modèles prévoient même une légère augmentation de la séquestration de carbone par ces forêts, alors que ce phénomène est en déclin », explique le chercheur Wannes Hubau (MRAC/UGent). La raison de cette différence est principalement due à la manière déformée dont les modèles prennent en compte la mortalité des arbres.

 

Yangambi biosphere reserve
Forêt tropicale humide dans la Réserve de biosphère de Yangambi, située le long du fleuve Congo. © Wannes Hubau

Crucial pour la future politique climatique

Les Earth System Models constituent un outil important pour prévoir l'évolution du bilan carbone et du climat de la planète en fonction de divers scénarios d'émissions futures de CO2. « Les décisions politiques en matière de climat sont directement basées sur ces modèles climatiques », explique le Dr Hubau. Le modèle le plus récent (Climate Modelling Intercomparison Project, CMIP6) et son prédécesseur (CMIP5), examinés dans l'étude, influencent directement les rapports du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) des Nations unies.

« Il est donc crucial d'évaluer la précision de ces modèles. Il est urgent de les adapter à la réalité afin de mieux informer la future politique climatique », conclut Wannes Hubau.

En savoir plus

Article scientifique:
Koch, A., Hubau, W., & Lewis, S. L. (2021). Earth System Models are not capturing present-day tropical forest carbon dynamics. Earth's Future, 9, e2020EF001874. https://doi.org/10.1029/2020EF001874

Service de Biologie du bois