L'héritage arabo-swahili dans l'est de la RD Congo

La présence de commerçants arabo-swahilis dans la partie orientale de l'actuelle RD Congo a eu un impact durable sur les populations de la région. Cependant, cet héritage et les objets qui s'y rapportent et qui se trouvent aujourd'hui dans les collections belges, restent peu étudiés. La recherche sur la provenance et la biographie des objets vise à fournir une compréhension historique plus nuancée et à permettre un dialogue avec les communautés sources sur cette histoire et cet héritage congo-arabo-swahili.

Mr. Aboubakar Husseini, Imam of the mosque Quartier 18, Kasongo, RD Congo

Interview de Mr. Aboubakar Husseini, Imam de la mosquée Quartier 18, Kasongo, RD Congo, © Georges Senga. 

 

Dès 1860, des commerçants venus de la côte swahilie sur la côte est-africaine se sont installés dans la partie orientale de l'actuelle RD Congo à la recherche d'ivoire et d'esclaves. Leur présence a eu un impact durable sur les populations de la région. Le swahili est désormais la langue vernaculaire et la pratique de l'islam est bien établie.

Entre 1892 et 1894, les troupes coloniales du roi Léopold II ont mené plusieurs opérations militaires dans la zone sous contrôle arabo-swahili. Les objets, pris comme trophées de guerre, sont passés d'un héritage familial au Musée royal de l'Afrique centrale (MRAC) et au War Heritage Institute (WHI), où ils sont devenus des outils de propagande coloniale

Recherche sur la provenance et la biographie des objets

La recherche coloniale traditionnelle a longtemps considéré la culture arabo-swahili comme étrangère au Congo. Pour cette raison, aucune recherche intensive n'a été menée sur ces collections en Belgique. Dans le cadre du projet 'Congo Arab Heritage in Historical Narratives' (CAHN) et en collaboration avec le WHI et la KU Leuven, une équipe de chercheurs du MRAC effectue des recherches sur la provenance et la biographie des objets. L'accent est mis sur les objets susceptibles d’apporter des informations sur les interactions et les emprunts interculturels entre les populations du Bassin supérieur du Congo et de la côte est-africaine.

Les questions sur le contexte et la localisation de cet héritage en RD Congo restent largement sans réponse. C'est précisément cet héritage, qui comprend le lien entre les communautés sources et les objets, qui sera exploré afin de construire une perspective multi-vocale sur l'histoire et le patrimoine congo-arabo-swahili, explique l'archéologue Noemie Arazi (Musée royal de l'Afrique centrale).

Rompre avec les récits coloniaux

Les recherches sur les objets du MRAC et du WHI peuvent apporter un nouvel éclairage sur la connectivité entre la côte et la région du Bassin supérieur du Congo, rompant avec les récits hérités de la période coloniale. L'objectif est d'encourager une compréhension historique plus nuancée et une conscience critique en remettant en cause le mythe selon lequel la Belgique a libéré le Congo de l'esclavage arabe, explique Noemie Arazi. Le projet établit également une collaboration entre les chercheurs en sciences de l'éducation pour des programmes d'enseignement, des interprétations artistiques et des événements orientés vers le public.

Travail de terrain

Financé par la politique scientifique fédérale, le projet CAHN a débuté en 2021 pour une période de quatre ans. Un travail de terrain a été réalisé dans la province du Maniema à l'automne 2021 dans le but d'ouvrir un dialogue avec les communautés sources sur les objets du MRAC et du WHI. Un travail de terrain plus approfondi sera mené dans la province du Maniema et en Tanzanie entre juin et septembre 2022, qui devrait aboutir à une importante réévaluation des récits hérités de la période coloniale

Mr. Jumaini Abdul, healer, Kasongo, RD Congo
Interview de Mr. Jumaini Abdul, guérisseur, Kasongo, RD Congo, © Georges Senga. 

 

Pene Mayenge, Chef de Groupement des Bazula, Kinshasa, RD Congo
Interview de Pene Mayenge, Chef de Groupement des Bazula, Kinshasa, RD Congo, © Georges Senga. 

 

Kasongo (im)material 

En 2021, le photographe congolais Georges Senga Assani et Noemie Arazi ont réalisé un documentaire qui explore l'histoire oubliée des Arabo-Swahili en RD Congo. Kasongo (im)material montre comment leur trajectoire d'oppresseurs à opprimés ainsi que l'adoption locale de leur culture et de leur langue reflètent les tensions et l'ambivalence de l'histoire et du patrimoine. Entremêlant des scènes de fouilles avec du matériel d'archives et des enregistrements contemporains, ils s'intéressent à l'impact affectif de ce qui persiste du passé au présent.

La première belge de Kasongo (im)material aura lieu à l'Afrika Filmfestival de Louvain le 7 mai 2022.