La plus grande tourbière tropicale du monde se trouve en République démocratique du Congo

Une nouvelle étude a permis de cartographier pour la première fois toute l'étendue d'une vaste région de tourbières au cœur du bassin du Congo. Ces tourbières stockent des quantités colossales de carbone et leur préservation est donc essentielle dans la lutte contre le réchauffement climatique. Une part importante des tourbières est néanmoins menacée, notamment par l’exploitation pétrolière.

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La tourbe est une matière végétale partiellement décomposée. Lorsque les arbres, les feuilles et les racines meurent, l'engorgement des marais tout au long de l'année empêche leur décomposition complète. Une couche de tourbe se forme alors lentement. Le carbone accumulé au cours de la croissance des plantes est ainsi capturé dans la tourbe, qui agit donc comme un véritable puits de carbone. Si les tourbières s'assèchent, en raison de changements dans l'utilisation des terres par exemple, la décomposition de la tourbe peut reprendre, libérant ainsi dans l'atmosphère le carbone qu’elle stockait.

Dans une nouvelle étude publiée dans Nature Geoscience, une équipe internationale de chercheurs a mis en évidence de vastes tourbières dans le centre du bassin du Congo, couvrant 16,7 millions d'hectares, soit plus de cinq fois la superficie de la Belgique. Par endroits, la tourbe peut atteindre 6,5 mètres de profondeur.

Les chercheurs révèlent que ces tourbières stockent entre 26 et 32 milliards de tonnes de carbone, soit l'équivalent de trois ans d'émissions mondiales de combustibles fossiles. Le bassin central du Congo abrite 36 % de la superficie mondiale des tourbières tropicales et stocke 28 % du carbone des tourbières tropicales du monde.

La quantité de carbone stockée dans cette zone de tourbières est équivalente à celle de tous les arbres de la forêt tropicale du bassin du Congo.

Nos résultats soulignent l'importance des tourbières congolaises en tant que réserve de carbone d'importance mondiale, explique Bart Crezee, chercheur de l’Université de Leeds et auteur principal de l’étude.

La quantité de carbone stockée dans cette zone de tourbières est équivalente à celle de tous les arbres de la forêt tropicale du bassin du Congo. Il ne faut pas sous-estimer l'importance cruciale de préserver ce carbone stocké dans les tourbières tropicales dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Seulement 8 % de ce carbone tourbeux se trouve dans des aires protégées, ce qui suggère une vulnérabilité aux changements futurs d'utilisation des terres. Ainsi, fin juillet 2022, un million d’hectares de ces tourbières sont mis aux enchères pour l'exploitation pétrolière par le gouvernement de la RDC.

Les marais tourbeux du centre du Congo sont actuellement l'un des écosystèmes les plus denses en carbone sur terre, stockant en moyenne 1712 tonnes de carbone par hectare dans la tourbe. C'est plus de 7 fois plus qu'une forêt "normale" sur sol sec, explique Wannes Hubau, chercheur au Musée royal de l’Afrique centrale qui a participé à l’étude.

Ces tourbières sont souvent dans des zones reculées et elles ont été relativement peu perturbées jusqu’à présent. Leur exploitation pourrait avoir un effet désastreux sur la gestion du changement climatique.

Lorsque nous avons superposé la nouvelle carte des tourbières aux plans de changement d'affectation des terres, nous avons constaté qu'un quart du stock de carbone est menacé par l'exploitation forestière industrielle, l'exploitation minière ou le développement de l'huile de palme, selon Wannes Hubau.

L’étude a été dirigée par l’Université de Leeds (Royaume-Uni) et l’Université de Kisangani (RDC), en collaboration, entre autres, avec le Musée royal de l’Afrique centrale.

En savoir plus

Crezee, B., Dargie, G.C., Ewango, C.E.N. et al. Mapping peat thickness and carbon stocks of the central Congo Basin using field data. Nature Geoscience (2022). https://doi.org/10.1038/s41561-022-00966-7