Le moustique japonais s’installe en Belgique

Le moustique japonais est une espèce invasive largement répandue dans de nombreux pays européens. En Belgique, trois populations ont été détectées : une à Natoye (province de Namur) et deux le long de la frontière allemande. Une équipe internationale de chercheurs révèle dans une nouvelle étude publiée dans Parasites & Vectors que ces populations sont le résultat d’introductions multiples et d’origines diverses. Cette étude doit permettre d’optimiser les efforts de contrôle de cette espèce invasive potentiellement vectrice de pathogènes.

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Le moustique japonais (Aedes japonicus) est une espèce invasive originaire d’Asie.

« Ses piqûres sont plus douloureuses que celles des moustiques indigènes », explique Nathalie Smitz, chercheuse au Musée royal de l’Afrique centrale qui a mené l’étude.

« Elles peuvent aussi potentiellement transmettre des maladies. Même si cela n’a jamais été observé en Belgique, il est important de surveiller les sites d’introduction et de contrôler la dispersion de ce moustique. »

photo de pneus usagés
L'eau accumulée dans des pneus usagés constitue un habitat idéal pour le développement des larves de moustiques. © Institute of Tropical Medicine

Une première apparition à Natoye

Le moustique japonais a été détecté pour la première fois en Belgique à Natoye (province de Namur) en 2002.

« Il y a probablement été introduit de manière accidentelle via le commerce international de pneus d’occasion géré par une entreprise implantée sur ce site », selon la chercheuse. « L'origine exacte est toutefois inconnue, puisque les pneus ont été importés de divers endroits, y compris de pays déjà colonisés par l'espèce, comme les États-Unis. »

« Dans les années qui ont suivi son introduction, le moustique japonais s’est installé à Natoye sans pour autant se disperser. En effet, il n’a jamais été détecté en dehors d'un rayon de 3,5 km autour du site de l'entreprise de pneus. »

Une tentative d'éradication

De 2012 à 2015, les autorités ont mené une campagne intensive visant à éradiquer l'espèce du site de Natoye. Suite à cette campagne, l'espèce n'a plus été détectée en 2015-2016 et elle a été déclarée éradiquée avec succès.

Cependant, le moustique japonais a à nouveau été collecté à Natoye en 2017. Cette réapparition est-elle liée à une recolonisation à partir d’un petit nombre de survivants de la campagne d’éradication ? Ou est-elle le résultat d’une nouvelle introduction ?

Pour répondre à ces questions, Nathalie Smitz et ses collègues ont comparé la structure et la diversité génétique entre moustiques récoltés avant et après la campagne d’éradication.

« Il semblerait que la population présente avant la campagne ait survécu en faible nombre. Mais notre étude révèle également que les moustiques récoltés après la campagne d’éradication présentent une signature génétique différente de ceux prélevés avant, ce qui indique qu’il y aurait eu une ou plusieurs nouvelles introductions depuis. »

Nathalie Smitz: "Nos résultats soulignent la nécessité d'un plan de surveillance et de contrôle aux niveaux national et régional".

D'autres foyers d'introduction le long de la frontière allemande

Contrairement à la population isolée de Natoye, les populations de moustiques japonais présentes dans le sud-ouest de l’Allemagne se sont rapidement étendues au fil des années. Les chercheurs s’attendaient donc à ce que le moustique traverse la frontière belge. Entre 2017 et 2019, des spécimens ont effectivement été collectés à Eupen et à Maasmechelen.

« Nos analyses génétiques confirment l’origine allemande de ces moustiques et montrent qu’ils sont génétiquement très différents de ceux de Natoye », précise Nathalie Smitz. « On peut s’attendre à de nouvelles introductions à court terme, par le biais du transport terrestre et/ou par dispersion naturelle à partir des populations établies dans l'ouest de l'Allemagne. Ces résultats soulignent la nécessité d'un plan de surveillance et de contrôle aux niveaux national et régional. »

Le projet BopCo

Cette étude a été réalisée dans le cadre du projet BopCo (Barcoding Facility for Organisms and Tissues of Policy Concern). Cette équipe conjointe de biologistes du MRAC et de l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique répond à des demandes externes. Lors du projet MEMO (Monitoring of Exotic Mosquito Species in Belgium), BopCo a travaillé en collaboration avec l’Institut de médecine tropicale (ITM) afin d’identifier des moustiques sur base de leur ADN. D’autres collaborations avec l’ITM ont notamment permis d’identifier les moustiques du genre Aedes collectés à Kinshasa (RD Congo), ainsi que de déterminer leur densité.

Mais les scientifiques de BopCo ne se limitent pas à l’étude des moustiques. En effet, ils analysent à la demande tous les organismes et tissus biologiques présentant un intérêt socio-politique. Cela inclut par exemple les espèces animales menacées, ou encore les espèces susceptibles de présenter un danger pour la santé ou l’économie, telles que les espèces invasives, des organismes liés à la fraude alimentaire ou des spécimens intervenant dans un contexte judiciaire.

En savoir plus

Lire l'article scientifique :
Smitz, N., De Wolf, K., Deblauwe, I. et al. Population genetic structure of the Asian bush mosquito, Aedes japonicus (Diptera, Culicidae), in Belgium suggests multiple introductions. Parasites & Vectors 14, 179 (2021). https://doi.org/10.1186/s13071-021-04676-8

Le projet BopCo (Barcoding Facility for Organisms and Tissues of Policy Concern)

Plus d'infos sur le projet MEMO (Monitoring of Exotic Mosquito Species in Belgium):
sur le site web de l'ITG
sur le site web de BopCo