La science citoyenne dans la lutte contre les maladies tropicales
Une équipe de scientifiques dirigée par le MRAC veut utiliser les sciences citoyennes pour mieux contrôler les maladies infectieuses en Afrique. L'implication des citoyens offre un potentiel sans précédent pour la collecte de données, la valorisation des connaissances locales et l'établissement de collaborations durables entre la population et les scientifiques.
La réduction des maladies infectieuses dans les pays du Sud se heurte encore à de nombreux défis. Ralentir la propagation des maladies et réduire de manière drastique le nombre de décès est une des priorités de l'Organisation mondiale de la santé.
Les mesures de contrôle actuelles sont souvent insuffisantes car elles ne tiennent pas suffisamment compte de ce qui se passe dans les communautés concernées. « Parce qu'elles sont imposées d'en haut, sans impliquer les gens, elles sont rarement efficaces ou durables », explique la doctorante Mercy Ashepet. « C'est pourquoi il est urgent de changer de cap. »
Les citoyens comptent
En plus de fournir des médicaments, la stratégie la plus efficace consiste à surveiller et à combattre les vecteurs qui propagent les maladies infectieuses, comme les moustiques ou les escargots d'eau douce.
L'implication de non-spécialistes présente de nombreux avantages. « Tout d'abord, nous avons des yeux supplémentaires pour surveiller les vecteurs », explique Mercy Ashepet. Les programmes de recherche, qui sont conçus de telle manière que seuls des spécialistes formés peuvent y contribuer, souffrent souvent d'un manque de personnel et donc de données.
En collaborant avec les citoyens, il est également possible d'échanger des connaissances précieuses dans les deux directions. La co-création favorise la sensibilisation des communautés concernées et permet des interventions beaucoup plus fines.
« Par ailleurs, une coopération approfondie qui tient compte des connaissances, des expériences et des intérêts locaux augmente les chances d'obtenir des résultats durables dans la réduction des maladies », déclare Mercy Ashepet.
Passer à la vitesse supérieure en Ouganda et en RD Congo
« Nous sommes convaincus que les sciences citoyennes nous permettront de passer à la vitesse supérieure dans la lutte contre ces maladies en Afrique », ajoute la parasitologue Tine Huyse.
« C'est pourquoi, avec des chercheurs des universités de Mbarara et de Kinshasa, de la KU Leuven et de l'Institut de médecine tropicale, nous avons lancé un projet transdisciplinaire en Ouganda et en RD Congo. Nous surveillons les escargots d'eau douce qui propagent la maladie de la schistosomiase (bilharziose). Une équipe de citoyens dressera la carte des populations d'escargots à une échelle sans précédent, et ils informeront également leurs concitoyens sur la manière de mieux se protéger contre ces maladies. Nous avons également fait appel au même réseau de citoyens pour communiquer sur le COVID-19 et les mesures de précaution possibles, afin de lutter contre les fake news », déclare Tine Huyse.
Un grand potentiel dans divers domaines
« Ce qui est plus inspirant, c'est que la science citoyenne est applicable à divers domaines. Dans cette optique, la science citoyenne a également été employée dans la surveillance des risques et des catastrophes naturelles en Ouganda et au Congo dans le cadre du projet HARISSA, également mené par le MRAC. Avec des partenaires ougandais et congolais, des réseaux d'observateurs citoyens (citizen observers, CO) ont été créés dans la région du Rwenzori et la province du Kivu pour collecter des informations de base concernant l'ampleur et l'intensité des risques naturels survenant dans la région », explique Caroline Michellier, géographe au musée.
Ces réseaux CO jouent un rôle majeur en fournissant des données sur la répartition spatiale et temporelle de ces aléas, permettant ainsi aux scientifiques de comprendre ces phénomènes. De plus, les décideurs sont en mesure d'évaluer l'ampleur du problème et de décider des mesures à prendre pour anticiper les catastrophes et en atténuer les conséquences. « Il y a du potentiel dans la science citoyenne », conclut Caroline Michellier.
Mercy Gloria Ashepet, Liesbet Jacobs, Michiel Van Oudheusden, Tine Huyse, Wicked Solution for Wicked Problems: Citizen Science for Vector-Borne Disease Control in Africa, Trends in Parasitology, 30 November 2020. https://doi.org/10.1016/j.pt.2020.10.004. Disponible en open access jusqu'au 23/12/2020