Vivre dans l’ombre d’un volcan actif

Ou comment préparer une ville d’un million d’habitants à une éruption

Adalbert Muhindo, chercheur à l’Observatoire volcanologique de Goma, a défendu avec succès sa thèse de doctorat réalisée au Musée royal de l’Afrique centrale et à l’Université libre de Bruxelles. Son travail permettra d’améliorer la gestion du risque lié à une éruption du volcan Nyiragongo à Goma, à l’est de la RD Congo.

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Le Nyiragongo, volcan le plus dangereux d’Afrique

Le Nyiragongo est l’un des volcans les plus actifs d’Afrique. Situé à l’est de la RD Congo, à environ 15 km au nord de Goma, il menace directement cette ville qui compte près d’un million d’habitants.

Lors de ses deux dernières éruptions, en 1977 et en 2002, ses coulées de lave dévastatrices ont tué des dizaines de personnes et ont provoqué une crise humanitaire et économique majeure dans cette région déjà soumise à des guerres récurrentes.

Aujourd’hui, la population de Goma a doublé par rapport à 2002 et estimée à un million d’habitants, laissant présager une catastrophe sans précédent dans la région en cas de nouvelle éruption.

La mobilité à Goma

La mobilité est un facteur crucial en période de crise. 

À Goma, les bases de données en ligne permettant de déterminer un trajet (Google Maps ou autres) ne donnent pas de trajets fiables, indiquant parfois des routes impraticables, explique Adalbert Muhindo. Dans le cadre de notre étude, nous avons donc dans un premier temps déterminé la qualité du réseau routier de Goma.

Puis, en distribuant des GPS à des chauffeurs et à des piétons, nous avons étudié la mobilité de la population, ce qui nous permet d’estimer le temps nécessaire pour se déplacer d’un point à un autre de la ville.

En combinant les données du réseau routier à celles de la mobilité de la population, nous avons développé une base de données fonctionnelle pour Goma. Celle-ci est utile aussi bien pour les services de secours que pour la population qui doit se mettre à l’abri.

Évacuer 1 million de personnes ?

Afin d’être préparées en cas de nouvelle éruption, les autorités de la ville de Goma disposent de plans de contingence et d’évacuation, qui déterminent l’attitude à adopter en cas d’éruption du volcan. 

En cas d’éruption, nous pouvons estimer avec précision les zones à évacuer et le nombre de personnes qui s’y trouvent.

D’une part, ces plans ne prennent pas en compte les variations quotidiennes de la population. La population varie selon le jour de la semaine et selon l’heure, souligne Adalbert Muhindo. En effet, de nombreuses personnes viennent à Goma pour travailler, mais n’y habitent pas.

Nous avons donc tout d’abord déterminé la variation de l’effectif total de la population. Ensuite, nous avons étudié la variation spatio-temporelle de cette population au sein de la ville, puisqu’elle s’y déplace pour se rendre dans ses lieux d’activités.

D’autre part, les plans de contingence et d’évacuation déterminent nombre de personnes à évacuer dans chaque quartier de la ville. Mais cette estimation est basée sur le domicile des habitants et ne tient pas compte du fait que ces derniers se déplacent en journée. Grâce à notre étude, nous pouvons estimer combien de personnes se trouvent à tel endroit, tel jour et à telle heure.

De plus, la carte de susceptibilité aux coulées de lave élaborée dans le cadre du projet GeoRisCA permet d’identifier les zones les plus à risques d’être affectées par la prochaine coulée de lave du Nyiragongo. En cas d’éruption, nous pouvons donc estimer avec précision les zones à évacuer et le nombre de personnes qui s’y trouvent, ce qui rend le plan de contingence beaucoup plus efficace.

Contrairement à ce que prévoit le plan de contingence actuel, il n’est donc pas nécessaire d’évacuer l’entièreté de la population, ce qui semblait de toute manière difficilement réalisable.

Une thèse qui s’insère dans un cadre plus large

La thèse de doctorat d’Adalbert Muhindo s’inscrit dans une série de projets menés par l’équipe GeoRiskA du Musée royal de l’Afrique centrale.

Cette équipe de géologues et de géographes étudie les risques naturels d’origine géologique (éruptions volcaniques, tremblements de terre, glissements de terrain) dans la région des Grands Lacs.

En collaboration avec de nombreuses institutions et universités congolaises, rwandaises, burundaises et ougandaises, les chercheurs de cette unité développent des outils permettant une meilleure gestion des risques et des catastrophes et un aménagement durable du territoire.