Un échantillon de la collection des roches du MRAC est le témoin le plus ancien de la tectonique des plaques moderne

La tectonique des plaques a joué un rôle important dans l'évolution de notre planète. Elle peut également avoir une grande influence sur l’habitabilité future de celle-ci. Cependant, celle que nous connaissons aujourd’hui n’a pas toujours existé. Quand le régime géodynamique actuel a-t-il démarré ? Cela reste un point d’interrogation pour les géologues. Une équipe internationale de scientifiques, dont notamment le géologue du MRAC Daniel Baudet, a découvert le témoin le plus ancien de la tectonique des plaques « moderne », vieux de 2,2 à 2,1 milliards d'années (Ga). Ces résultats innovateurs ont été publiés dans Nature Scientific Reports.

Un échantillon de la collection des roches du MRAC est le témoin le plus ancien de la tectonique des plaques moderne

La plus ancienne éclogite connu du type de basse température (2089 millions d’années), à côté d’une pièce de 1 euro. (MRAC, inv. n° RG-45977).
Symboles :  Qtz – quartz ; Gt – grenat; Cpx – clinopyroxène klinopyroxène ; Amp – amphibole.

 

La tectonique des plaques et l’évolution sur Terre…

La tectonique des plaques permet d’expliquer des phénomènes tels que les tremblements de terre, le volcanisme et les orogenèses. Afin de comprendre l’histoire évolutive de la planète Terre, nous devons également en savoir davantage sur le passage du régime géodynamique ancien à l’actuel, dont la tectonique des plaques ne constitue qu’un aspect. En effet, l’apparition de la tectonique des plaques a eu un grand impact sur l'évolution de la vie sur cette planète. Elle a engendré la production d’une plus grande quantité de nutriments, la formation d’une plus grande diversité de systèmes écologiques et l’isolation géographique de certaines régions, le tout s'accompagnant d'une plus grande biodiversité et de changements affectant le climat et la circulation océanique, ainsi que de la formation de gaz volcaniques qui ont déterminé la composition de notre atmosphère.

 

… mais aussi

On peut en outre comparer le modèle géodynamique de la Terre à celui d’autres planètes rocheuses, afin d’évaluer leur habitabilité. La Terre, vieille de 4,5 milliards d’années, est la seule planète du système solaire dont la lithosphère soit constituée de plaques interagissant entre elles (autrement dit, une tectonique des plaques). Les processus géodynamiques de la Terre ancienne ont été déterminants pour son habitabilité, mais leur connaissance est indispensable pour comprendre ceux d'autres planètes.

 

Un morceau de roche vieux de 2089 millions d’années…

Au centre de cette étude qui montre que la tectonique des plaques « moderne » est déjà en action depuis plusieurs billons d’années, se trouve un morceau de roche gros comme le poing d'un enfant. Il s’agit d’une éclogite, une roche métamorphique qui apparaît à grande profondeur et sous haute pression. L’éclogite en question est du type de celles qui se forment à basse température ; elle a été trouvée en RD Congo (craton du Kasaï) et est à présent conservée au sein de la collection du MRAC. Les scientifiques ont constaté qu'il s'agit du plus ancien exemplaire de ce type d'éclogite connu au monde : il est vieux de pas moins de 2089 millions d’années (2,1 Ga).

 

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Une éclogite trouvée en RD Congo (craton du Kasaï) et conservée dans la collection du MRAC, vieille de 2089 millions d'années, est le plus ancien exemplaire  connu au monde de ce type

 

… témoin de la tectonique des plaques moderne ?

Les éclogites constituent une source importante d’information sur l’évolution de la tectonique des plaques, car elles sont le résultat du processus géodynamique récent qu’est la subduction. C’est la raison pour laquelle les scientifiques les considèrent comme les « témoins » de la tectonique des plaques.

Lors d’une subduction, une plaque océanique (lourde – forte densité, fine et froide suite au contact avec l'eau) et une plaque continentale (plus légère – de plus faible densité et plus épaisse) se rencontrent, et la plaque océanique plonge sous la plaque continentale jusqu'au manteau terrestre : l'océan disparaît progressivement. Les roches qui constituent le continent subissent alors des changements chimiques et physiques (métamorphisme) et des éclogites apparaissent. Par la suite, celles-ci peuvent parfois remonter à la surface par d'autres processus géodynamiques (exhumation). Le cycle entier de la formation et de la fermeture d’un océan a été appelé « cycle Wilson », et dure environ 130 millions d’années.

Les scientifiques ont constaté que la roche d'origine (le protolithe) de l'éclogite étudiée ici a été formée il y a 2216 millions d'années (2,2 Ga), avant d’être entraînée par subduction vers les grandes profondeurs, jusqu'à 55 km au maximum.

L’éclogite et le protolithe, vieux de 2,1 et 2,2 Ga respectivement, fournissent donc la preuve que la tectonique des plaques moderne était déjà en action à cette période, soit au paléoprotérozoïque.

 

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Le cycle Wilson, ou le processus de formation des éclogites. Il y a 2216 millions d’années : formation d’un protolithe dans la première phase d’ouverture de l’océan (formation du rift). Il y a 2089 millions d’années : formation d’une éclogite durant la subduction. Plus tard : l’exhumation de l’éclogite lors de la collision de deux plaques continentales.
En savoir plus

Article scientifique:
Camille François, Vinciane Debaille, Jean-Louis Paquette, Daniel Baudet & Emmanuelle J. Javaux. The earliest evidence for modern-style plate tectonics recorded by HP–LT metamorphism in the Paleoproterozoic of the Democratic Republic of the Congo, Nature Scientific Reports volume 8, Article number: 15452 (2018).

Service Géodynamique et ressources minérales