Petits mais redoutables : les parasites constituent une menace invisible pour les hippopotames dans les lacs artificiels du Zimbabwe

Les lacs artificiels sont des lieux de reproduction pour des espèces invasives telles que les escargots d'eau douce. La présence de ces hôtes intermédiaires favorise la prolifération de parasites qui infectent les hippopotames. C'est ce que des biologistes du Musée royal de l'Afrique centrale (MRAC), de la KU Leuven et de la University of Zimbabwe ont observé dans des lacs artificiels au Zimbabwe. Les chercheurs affirment que le développement de ces maladies infectieuses est une conséquence indirecte de l'intervention humaine dans la nature, encore trop souvent négligée.

Hippopotames dans le lac Kariba

Hippopotames dans le lac Kariba. © Hans Carolus 2017

 

Les grands lacs artificiels peuvent favoriser le développement socio-économique d'une région. Mais la construction de barrages a également des conséquences dramatiques pour l'environnement. Elle ouvre la porte à l'introduction d'espèces exotiques et invasives. Les lacs permettent la reproduction de vecteurs et d'hôtes intermédiaires de parasites, qui peuvent constituer une menace pour l’homme et les animaux. Un exemple connu est la douve du foie, qui cause de grandes pertes dans l'élevage. L’homme peut lui aussi être infecté par ce parasite en consommant du cresson non lavé, par exemple.

L'équipe avait déjà montré que les plantes exotiques telles que la jacinthe d'eau sud-américaine favorisent la propagation des escargots invasifs dans le lac Kariba, le plus grand réservoir au monde.
Les escargots invasifs peuvent affecter la transmission des parasites de trois manières différentes : ils peuvent introduire de nouveaux parasites (« spillover »), augmenter la transmission des parasites déjà présents (« spillback »), ou au contraire la réduire (dilution).

 

Les menaces indirectes qui découlent de l'intervention humaine dans la nature, comme le fait de favoriser des maladies infectieuses, restent encore trop souvent ignorées

Des hippopotames malades

Dans une nouvelle étude, les chercheurs dirigés par le Dr Tine Huyse (MRAC) dénombrent pas moins de quatre espèces de parasites infectant les hippopotames. Ils montrent qu’ils sont transmis par six espèces d’escargots dans le lac Kariba et le réservoir de Mwenje au Zimbabwe. Deux de ces escargots sont invasifs et originaires d’Amérique du Nord et d’Asie. « Des recherches antérieures montraient déjà que ces escargots invasifs étaient porteurs de nombreux parasites, mais nous ne savions pas encore quel était l’hôte final. Les analyses génétiques montrent désormais que les victimes sont les hippopotames », explique Tine Huyse (MRAC).

Les parasites infectent le foie, l’estomac et le système circulatoire des hippopotames. Les conséquences n’ont pas encore été correctement étudiées, mais chez les éléphants et les rhinocéros, des infections similaires ont un impact majeur sur la santé, la durée de vie et la reproduction. Les chercheurs s’attendent donc à un impact similaire sur les populations d’hippopotames.

 

Une menace sous-estimée

« Nos recherches, combinées aux données historiques, nous permettent de conclure que la transmission de parasites aux hippopotames a très probablement augmenté à la suite de la création du lac Kariba et des invasions biologiques qui l'ont accompagnée », explique le doctorant Ruben Schols (MRAC, KU Leuven).

Les hippopotames sont classés comme vulnérables sur la liste mondiale des statuts de protection. « L'homme exerce une pression considérable sur ces animaux et d'autres grands herbivores par la chasse, le braconnage et la destruction des habitats. Mais les menaces indirectes qui découlent de l'intervention humaine dans la nature, comme le fait de favoriser des maladies infectieuses, restent encore trop souvent ignorées. L'impact des parasites sur la disparition de la faune sauvage est probablement largement sous-estimé. Cet aspect devrait faire partie intégrante des politiques de conservation », selon Schols.

 

 

Parasites

Trois espèces de parasites trouvées en grand nombre dans le foie et l'estomac d'un hippopotame. © Schols et al. 2021

Schematic representation

Représentation schématique de la cascade d'invasions biologiques due à la création de lacs artificiels. © Schols et al. 2021

 

En savoir plus

Article scientifique : Ruben Schols, Hans Carolus, Cyril Hammoud, Kudzai C. Muzarabani, Maxwell Barson and Tine Huyse, Invasive snails, parasite spillback, and potential parasite spillover drive parasitic diseases of Hippopotamus amphibius in artificial lakes of Zimbabwe, BMC Biology (2021) 19:160, https://doi.org/10.1186/s12915-021-01093-2